Sancerre – 11/03/17
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J.L. Guerrin
Vue sur le vignoble de Chavignol |
Pour ce premier CR sur une
participation au championnat de la RVF (Revue du Vin de France), je vais être
un peu long mais je pense que ce n’est pas inintéressant de voir comment c’est
vécu de l’intérieur, avec les affres induits par les doutes et les assurances
par les fausses certitudes…
Avec l’ami Bernard, nous participons
depuis longtemps aux sélections pour le championnat de dégustation de la RVF,
en tout cas quand le lieu est accessible par un aller – retour dans la journée.Cela
arrive une fois par an en moyenne ; ce 11 mars, c’était à Sancerre :
cela pouvait le faire !
D’ailleurs la proximité a poussé cinq
équipes d’Amphores à s’inscrire… mais pas seulement. Le lieu, assez central
pour la France, la possibilité de visiter des vignerons de renom et la capacité
d’accueil des Caves de la Mignonne, tout cela a permis l’inscription de 72
binômes : record battu depuis que l’épreuve existe !
Et il y avait du beau monde : au
moins deux champions du monde (dans l’équipe de Belgique vainqueur en 2014, les
belges étant par ailleurs fortement représentés, et dans l’équipe de France
vainqueur en 2015), un champion d’Europe, de multiples champions de France, des
luxembourgeois, et même un anglais qui l’emportera haut la main avec son
partenaire français de toujours (les deux ayant été sacrés champions de France
il y a trois ans). Il ne manquait que les chinois, champions du monde en 2016,
avec une équipe constituée de professionnels et d’étudiants dans le vin vivant
en France.
C’est avec plaisir que je retrouve
avant le début de l’épreuve des têtes bien connues : les copains
d’Amphores, bien sûr, et particulièrement Michel qui a fait le voyage depuis
Nantes. Je vois aussi de nombreux LPViens (ceux qui interviennent sur le site
LaPassionduVin.com, dont j’ai fait la connaissance d’abord sur le web puis lors
de dégustations mémorables ; je pense notamment à mes deux jeunes
camarades du club LPV Versailles qui vont faire mieux que se défendre).
Mais trêve de bavardages, il faut
s’installer et profiter de la remarquable organisation avec un duo
d’enfer : Philippe de Cantenac pour la RVF et Benoît Roumet pour le BIVC.
Tout sera parfait, la salle bien
chauffée (pas évident dans les immenses caves !), le service attentionné,
la quantité de vin suffisante pour se resservir et vérifier que l’on ne s’est
pas trompé…, le pain pour reformater la bouche, les petits fours et les vins
locaux pour faire patienter en attendant les résultats…
Allez, juste un petit bémol : la
température de service trop fraîche des rouges, ce qui a fait ressortir
certains défauts… mais c’était pour tout le monde pareil !
A 9h30, c’est parti avec la première
série de six vins.
Vin
N° 1
Avec Bernard, nous nous faisons toujours une première opinion séparément puis nous échangeons et enfin nous décidons. Nous sommes donc très contents lorsque la deuxième phase montre un parfait accord : cela évite la troisième, parfois difficile !
C’est le cas ici : un
effervescent d’une très grande finesse, légèrement citronné, d’une tension
superbe, c’est forcément un Champagne à base de chardonnay !
En fait c’est un Champagne d’assemblage (pinot noir : 40% ; pinot meunier :
40 % ; chardonnay : 20%) de Laurent
Benard, cuvée Vibrato en 2013.
Nous marquons donc 5 points pour
l’appellation et 2 points pour le cépage (1 point pour 10 % de présence dans
l’assemblage).
Ce qui nous a trompés est sans doute un très
faible dosage qui a apporté cette finesse attribuée au chardonnay.
Vin N° 2
Vin N° 2
Philippe de Cantenac nous annonce que c’est une appellation « Vin de France » mais qu’il faudra donner l’appellation la plus proche.
La première impression est vermentino
pour Bernard, rolle pour moi. Cela tombe bien : c’est le même
cépage ! Comme il y a plus de Vins de France à base de ce cépage en Corse
qu’en Provence, nous partons pour la Corse. Je propose Comte Abbatucci qui fait
un VDF 100 % vermentino mais Bernard propose Antoine Arena qui fait un VDF 100
% Bianco Gentile. Mais nous connaissons moins bien ce cépage que le vermentino
et comme nous étions partis tous les deux sur celui-ci d’après ses
caractéristiques olfactives et gustatives, nous gardons ma proposition.
En fait c’est bien un Bianco Gentile de Corse du Clos Alivu de 2014.
Nous avons quand même marqué 5 points
pour l’appellation (c’est noté sur 5 avec 5 points lorsque l’appellation est
exacte, par exemple Chablis 1er cru, et 1 point lorsqu’on est dans
la région mais loin, par exemple Macon-Viré au lieu de Chablis). Dans ce cas
Vin de Corse est l’appellation la plus proche car le vin n’est pas produit près
d’une appellation plus ciblée (ex : Vin de Corse – Figari). C’est un vrai
de coup de chance car une erreur de cépage nous a envoyé sur la bonne
appellation !
On a raté 9 points pour le cépage (c’est le
max) mais cela aurait été un véritable hold-up d’annoncer Bianco Gentile sans
l’avoir reconnu… et d’ailleurs une seule équipe l’a trouvé.
Vin N°3
Vin N°3
Nous avons longtemps hésité entre marsanne, chardonnay et sauvignon-sémillon de Pessac à cause du boisé très prégnant. Finalement nous serons d’accord pour marsanne en raison d’un côté miellé bien net et d’une amertume assez sensible.
Nous le mettons en Rhône septentrional
avec sans doute un assemblage comprenant de la roussanne. Presque bingo :
c’est un assemblage marsanne 60 % - roussanne 40 %, mais de
Faugères (Château des Estanilles, cuvée Inverso) en 2015.
Faugères (Château des Estanilles, cuvée Inverso) en 2015.
Nous ratons le millésime sur ces deux
derniers vins en inversant 2014 et 2015, une fois dans un sens, une fois dans
l’autre, pourtant des millésimes bien différents…
Cela nous donne donc 6 points grâce au cépage
principal.
Vin N° 4
Vin N° 4
Le cépage semble assez évident : c’est du sauvignon. Mais alors du sauvignon variétal, pas mûr du tout, avec du buis, des agrumes et du vernis à ongle qui aura du mal à disparaître au nez. Bernard pense qu’il n’est pas possible que l’on présente à Sancerre un sauvignon de la région aussi peu représentatif de la qualité de nos terroirs et de nos vignerons. Je suis d’accord avec lui mais je ne peux croire non plus à un sauvignon de Touraine servi à Sancerre… Le compromis sera donc pour un Quincy.
Et là, énorme surprise : c’est un
Sancerre du domaine Alphonse Mellot
(le seul *** dans le guide vert de la RVF), dans la cuvée Génération XIX (la meilleure en blanc du domaine), sur 2014 (certes
un millésime tendu et long à se faire, mais grandissime), d’un coût supérieur à
50 € !
Nous avons dû avoir 15 points, 9 pour
le cépage, 3 pour le millésime (c’est 3 points quand on a bon en plus sur la
région, mais 1 point quand on est dans une région différente car les millésimes
n’ont pas le même niveau selon les régions…) et 3 pour l’appellation (4 sans
doute pour ceux qui ont choisi Pouilly-Fumé).
Vin N° 5
Avec ce vin nous savons tout de suite avec Bernard que nous avons le choix entre deux cépages. C’est un dilemme souvent rencontré : gewurztraminer ou muscat ? Ces deux cépages sont parfois tellement proches et nous nous sommes parfois trompés… Ceux qui ont participé à la récente séance d’Amphores sur le Muscat d’Alsace ont pu s’en apercevoir. En plus, le vin servi, d’un équilibre de demi-sec, est sur la finesse et ses arômes ne sont pas exacerbés, ce qui nous aura fait hésiter un court instant avec un pinot gris aromatique. D’ailleurs, Philippe annoncera que ces deux cépages ont eu largement la faveur des suffrages. Je suis sur la tendance muscat, Bernard sur la tendance gewurztraminer et il arrive à me convaincre.
C’est bien un gewurztramineren Alsace Grand cru Altenbergde Bergheim de la Cave de Hunawir en 2015 (millésime pour moi impossible à trouver tant la robe était d’un or prononcé, mais il n’y a pas que l’âge du vin qui joue sur sa robe…).
Nous marquons 14 points sur ce vin, 9
pour le cépage (que l’on aurait pu perdre très facilement !) et 5 pour
l’appellation Alsace Grand Cru.
Vin N° 6
On nous sert un rouge comme dernier vin de la série. Il me paraît évident que c’est un pinot noir par sa robe et son nez de cerise, une fois la réduction partie à l’aération. Quelques arômes fumés me font pencher pour un vin local, et en plus c’est la logique !
Bernard, d’abord tenté par un cabernet
franc, se range à mon avis argumenté.
Il s’agit bien d’un pinot noir, mais
des Coteaux Bourguignons de Louis Latour
(cuvée Les pierres dorées) en 2015.
Il y avait un piège, et même double
avec ce si riche millésime 2015 alors que le vin est très acidulé en bouche.
Nous marquons tout de même les 9
points du cépage.
A l’issue de cette série, nous avons
marqué des points sur tous les vins et c’est la première fois que cela nous
arrive ! On nous annoncera au cours
de la deuxième que l’équipe qui est entête à l’issue de la première série a
marqué 58 points, ce qui est relativement faible par rapport aux autres
sessions et montre donc une difficulté plus grande, surtout avec autant
d’équipes participantes. Or nous avons 56 points…
Vin N° 7
Dès l’examen de la robe et encore plus en mettant mon nez dans le verre je dis à Bernard : « Mince, c’est du pinot ! Nous nous sommes donc trompés sur le vin n°6 ». En effet cela peut arriver d’avoir deux fois le même cépage, mais rarement en monocépage et encore plus rarement l’un à la suite de l’autre. Une autre option m’apparait et Bernard la partage assez vite : un vin au fruité acidulé sur la cerise, avec une acidité bien marquée, ce peut être de la négrette. Avant d’inscrire le résultat je tenterai bien « mettons encore une fois pinot noir, nous aurons au moins une bonne réponse sur deux entre les vins n°6 et n°7… », mais un dernier retour sur le fond de verre nous met d’accord : ce n’est sans doute pas du pinot.
Eh bien c’est un Sancerre du Domaine Vincent Pinard dans le millésime 2012 !
Là encore, Philippe précisera que la
plupart que ceux qui avaient trouvé le pinot en n°6 n’ont pas osé le remettre
en n°7. Et pourtant il valait mieux le trouver en n°7 car en plus du cépage on
avait forcément la région sinon l’appellation…
2012, un millésime magistral en
Centre-Loire, qui donne chez l’un des plus grands domaines de Sancerre un vin
aussi acidulé… Deuxième déception (gustative) sur les vins du coin, celle-ci
pas aussi grande que la première !
Vin N° 8
Après être parti du côté de la syrah
par sa robe et ses arômes de suie, l’austérité de la bouche nous fait pencher
vers un cépage moins avenant. Ce sera le malbec…
Il s’agit en fait d’un IGP Bouches du Rhône à base de syrah 50
%, cabernet sauvignon 28 %,et mourvèdre 22 %, du domaine Villa Minna vineyard en 2011.
Disons que les cépages austères (cabernet sauvignon et encore plus mourvèdre) représentaient bien 50 % du total mais nous n’avons pas reconnu de côté sudiste dans ce vin.
Deux fois 0 point de suite, cela fait
mal…
Vin N° 9
Bon, là on est bien sur un (ou des) cépage(s) fruité(s) !
Comme toujours nous hésitons, parmi
ceux-ci, une fois le pinot, le gamay et le merlot éliminés car plus acides que
ce que l’on a dans le verre, entre grenache et syrah. En fait Bernard est
clairement (si j’ose dire pour un cépage sombre )
sur la syrah et moi foncièrement sur le grenache.
J’aurai à batailler ferme mais la réponse grenache nous apportera 9 points. Nous sommes en revanche parfaitement d’accord sur le Rhône sud. L’appellation Beaumes de Venise (chez un producteur au top) a dû nous rapporter 4 points et le bon millésime (grande fraicheur) 3 points.
C’est en fait un assemblage (grenache
90 %, syrah 8 %, mourvèdre 2%, tiens on ne les avait pas vus, ceux-là )
pour un Châteauneuf-du-pape du Domaine
de l’Abbé Dine 2014.
VIN N° 10
VIN N° 10
C’est sans doute par élimination des autres cépages que nous nous sommes retrouvés sur un merlot. C’était bien fruité (OK), assez frais (donc pas sudiste, OK), très boisé (OK) mais bien tannique (pas OK, mais on a raté souvent des merlots en voulant les cantonner à des vins ronds…).
Il s’agit d’un Saint-Emilion Grand cru (yes !)avec 75% de merlot et 25 % de
cabernet franc, du Château Tour de Yon 2012.
Nous ratons de peu le millésime (2013
annoncé) et empochons 12 points, 7 pour le cépage et 5 pour l’appellation.
Cela va mieux…
Vin N° 11
Difficile de juger ce vin : au nez c’est du bois, en bouche de la planche… Nous partirons sur une syrah du Rhône septentrional sans conviction.
C’est en fait un Fitou (carignan 45% ; syrah 30 % ; grenache 25 %) des vignerons de Cascastel (cuvée F) 2014.
Nous marquons quand même les 3 points
de la syrah…
Vin N° 12
Sur les liquoreux, nous nous trompons très (trop) souvent ! La concentration est donc de rigueur !
Bernard pense à un chenin après avoir
évoqué puis éliminé rapidement le sémillon. De mon côté je suis (trop)
catégorique :pas d’agrumes (ce qui élimine le sémillon), quelques arômes d’ananas
et surtout aucun botrytis dans ce vin, ce qui pousse forcément vers le petit
manseng. Bernard est finalement d’accord en me donnant un argument
supplémentaire : la formidable acidité du vin. Il se souvient même bien de
la confrontation Jurançon – Anjou où l’acidité beaucoup plus nette sur le
Jurançon avait été un marqueur fort.
Bien raisonné de notre part à tous les
deux, sauf que c’est certainement le millésime qui est à l’origine de cette
acidité et (à vérifier) de ce peu de botrytis. C’est compliqué, le vin, quand
autant de paramètres rentrent en jeu !
C’est donc un Coteaux de l’Aubance du beau Domaine de Montgilet (cuvée Les trois
schistes) 2014. Le terroir a peut-être aussi piégé les dégustateurs puisqu’au
total les réponses étaient quasiment réparties en trois tiers sur les trois
cépages principaux de liquoreux…
Trois fois zéro point sur la deuxième
série, c’est plus dur mais c’est la vie. 31 points quand même pour un total
général de 87 points et une belle 18ème place. Juste dans le premier
quart, c’est super pour un niveau si relevé ! Nous restons au niveau de
nos deux derniers résultats (15èmeen 2015 et encore 15èmeen
2016, à chaque fois face à une soixantaine d’équipes) et j’en suis très
content ! Nous avons en effet eu aussi des résultats moins flatteurs par
le passé…
Certes si on ne joue pas la grosse côte sur le vin n°7 et que l’on garde
ma première impression ou si
j’écoute Bernard sur le dernier vin, nous marquons 13 ou 14 points de plus mais
cela nous place 9ème et donc pas qualifiés pour la finale. Il aurait
fallu ne faire aucune de ces deux erreurs pour finir second, mais avec des si…
D’ailleurs, si on n’a pas une chance
folle (et pas une folle blanche )
sur le vin corse, si je ne suis pas Bernard sur le gewurztraminer, s’il ne me
suit pas sur le pinot noir et le grenache… on dégringole vite !
J’en profite pour remercier Bernard,
le partenaire idéal car très complémentaire et d’un jugement incroyable quand
on sait le peu de vins qu’il déguste, notamment par rapport à moi !
Une fois de plus une compétition
intéressante et difficile, disputée dans une très bonne ambiance, avec même une
journaliste venue nous interviewer en pleine discussion sur le grenache ou la
syrah !
Et pour finir en beauté, un petit tour
chez Matthieu Delaporte, LE vigneron de Sancerre de demain. Ses cuvées sont
d’une précision d’école par rapport à leur terroir, et toutes à haute
maturité tout en gardant fraîcheur et
élégance.
Nous sommes désolés de n’avoir pu
rejoindre lescopains d’Amphores chez André Vatan mais c’était vraiment trop
tard… Il fallait bien qu’on aille s’entrainer sur d’autres vins que du
Sancerre !
A la prochaine !
Jean-Loup
Très beau compte rendu de Jean Loup qui su retranscrire précisément nos ressentis et choix .
RépondreSupprimerSur la première série de bonnes intuitions pour nous deux ,ensuite les rouges nous ont plus déstabilisés ,mon seul petit regret reste le liquoreux je n'ai pas donné assez d'arguments à Jean Loup sur le chenin(agrumes,miellé,écorce d'orange) et allant dans son sens sur l'acidité
Bernard