dimanche 4 février 2024

L’umami, la 5ème saveur.

 


 L’umami, la 5ème saveur. 


Cette 5ᵉ saveur venue du Japon est désormais sur toutes les langues, avidement recherchée par les chefs et utilisée à tout va par les œnologues et sommeliers.
L'umami, généralement traduit par ''essence du délice'', est, au Japon, une cinquième saveur de base avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé.


Étymologie :
Le mot ''umami'' est un emprunt au japonais umami signifiant ''goût savoureux''. Le choix de cette écriture (mixte en hiraganas et en kanjis) est dû au professeur Kikunae Ikeda à partir de umai ‘’délicieux’’ et mi ‘’goût’’.


Origines :
Les scientifiques ont longtemps débattu afin de savoir si l'umami était effectivement une saveur de base. En 1985, lors du premier Umami International Symposium à Hawaï, le terme umami a officiellement été reconnu comme le terme scientifique pour décrire le goût du glutamate et des nucléotides

À présent, il est largement accepté comme étant le cinquième goût.

L'umami représente le goût donné par l’acide aminé L-glutamate et les 5′-ribonucléotides tels que la guanosine monophosphate (GMP) et l'inosine monophosphate (IMP). Bien qu'on puisse le décrire comme un goût plaisant de « bouillon » ou de « viande » avec une sensation durable, appétissante et recouvrant toute la langue, le mot umami n'est généralement pas traduit.
Le mot reste umami dans de nombreuses langues comme le français, l'anglais ou l'espagnol.
La sensation d’umami est due à la détection de l'anion carboxylate du glutamate (groupe carboxylate –COO– présent à l'extrémité de sa chaîne latérale de propanoate) dans des cellules réceptrices spécialisées présentes sur la langue humaine et animale. Son effet fondamental est sa capacité à équilibrer et arrondir l’intégralité de la saveur d’un plat. La saveur umami améliore nettement la sapidité d’un grand nombre d’aliments. L'acide glutamique révèle un petit goût d'umami, tandis que les sels de l'acide glutamique, connus sous le nom de glutamate (mono-sodique), dissociés et ionisés sous forme de carboxylate à haut pH, donnent le goût caractéristique de l’umami.

Découverte :
Le glutamate a une longue histoire dans la tradition culinaire. Les sauces de poisson fermentées (garum), riches en glutamate, étaient déjà utilisées dans la Rome antique. Jean Anthelme Brillat-Savarin dans Physiologie du goût parue en 1825, aurait désigné l'umami sous le terme d’ « osmazome », terme inventé en 1806 par le chimiste Louis Jacques Thenard. À la fin du XIXeme siècle, le chef Auguste Escoffier, qui avait ouvert ce qui était le restaurant le plus cher et le plus révolutionnaire de Paris, créait des repas qui associaient l’umami à des goûts salés, acides, sucrés et amers. Cependant, il ne connaissait pas la source de cette qualité unique.

Ce n’est qu’en 1908 que le goût umami a réellement été identifié, par le chercheur Kikunae Iked, professeur à l'Université Impériale de Tokyo. Il a découvert que le glutamate était responsable de la sapidité du bouillon d’algue kombu. Il a remarqué que le goût du bouillon dashi à base de kombu était différent des goûts sucré, acide, amer et salé, et il l’a appelé umami.

Plus tard, en 1913, un disciple du professeur Ikeda, Shintaro Kodama, a découvert que des copeaux de bonite séchée contenaient une autre substance umami. Il s’agissait du ribonucléotide IMP. En 1957, Akira Kuninaka découvrit que le ribonucléotide GMP présent dans les champignons shiitake conférait également le goût umami. L’une des découvertes les plus importantes de Kuninaka fut l’effet synergétique entre les ribonucléotides et le glutamate. Lorsque les aliments riches en glutamate sont associés à des ingrédients contenant des ribonucléotides, l’intensité du goût qui en résulte est supérieure à la somme du goût des deux ingrédients.

Cette synergie de l’umami explique de nombreux appariements alimentaires classiques, en commençant par la raison pour laquelle les Japonais font le dashi à base d’algue kombu et des copeaux de bonite séchée, et il en est ainsi pour de nombreux autres plats : les Chinois ajoutent des poireaux et du chou chinois dans la soupe de poulet, comme dans le cock-a-leekie, plat écossais similaire, et les Italiens saupoudrent de parmesan la sauce tomate aux champignons. La sensation du goût umami de ces ingrédients associés dépasse le goût de chacun des ingrédients seul.

Propriétés :
L’umami a un après-goût durable et doux. Il provoque la salivation et une sensation de fourrure sur la langue, en stimulant la gorge, le palais et le dos de la langue. L’umami n’est pas savoureux en soi, mais il améliore la saveur d’une large variété d’aliments, surtout en présence d’un arôme assorti. Mais comme les autres saveurs de base, à l’exception du saccharose, l’umami n’est agréable que dans une gamme de concentration relativement faible. Le goût umami optimal dépend également de la quantité de sel et, en même temps, les aliments hyposodiques peuvent maintenir un goût satisfaisant avec une quantité appropriée d’umami.

En fait, la démonstration a été faite que les taux de plaisir, d’intensité du goût et de salinité idéale des soupes pauvres en sel étaient plus élevés lorsque la soupe contenait de l’umami, tandis que les soupes pauvres en sel sans umami étaient décrites comme moins savoureuses.
Certains groupes de population, tels que les personnes âgées, dont le goût et l’odorat sont affectés par l’âge et la prise de médicaments, peuvent tirer profit de l’umami.
La perte de goût et d’odorat peut entraîner de mauvais apports nutritionnels augmentant ainsi leur risque de maladie.

Aliments riches en umami :
De nombreux aliments que nous consommons chaque jour sont riches en umami.
Le glutamate est naturellement présent dans les viandes et les légumes, tandis que l’inosinate (exhausteur de goût) se trouve essentiellement dans les viandes et la guanylate dans les légumes. Le goût umami est donc commun aux aliments contenant un taux élevé de L-glutamate, d'IMP et de GMP, et plus particulièrement dans le poisson, les crustacés, les viandes fumées, les légumes (par exemple : les champignons, les tomates mûres, le chou chinois, les épinards, etc.) ou le thé vert, ainsi que dans les produits fermentés et vieillis (par ex. : les fromages, les purées de crevettes, la sauce soja, etc.).
La première expérience de l'humain avec le goût umami se fait souvent avec le lait maternel. Il contient à peu près la même quantité d’umami que les bouillons.

Il existe quelques différences dans les bouillons de différents pays.
Le dashi japonais donne une sensation gustative d’umami très pure parce qu’il ne se base pas sur des viandes issues de milieux terrestres. Dans le dashi, le L-glutamate est issu de l’algue kombu (Laminaire japonaise) et l’inosinate est issu des copeaux de bonite séchée (katsuobushi) ou de petites sardines séchées (niboshi).
En revanche, les bouillons occidentaux et chinois ont une saveur plus complexe en raison d’un mélange plus important d’acides aminés issus des os, des viandes et des légumes.

Récepteurs gustatifs :
Toutes les papilles gustatives sur la langue et les autres zones de la bouche peuvent détecter le goût umami indépendamment de leur emplacement. La carte de la langue d’après laquelle les différents goûts sont répartis sur différentes zones de la langue est une idée fausse couramment répandue. Des études biochimiques ont identifié les récepteurs gustatifs responsables du goût umami et ceux-ci ont été identifiés dans les papilles gustatives de toute la langue. L’Académie des sciences de New York a corroboré l’acceptation de ces récepteurs en déclarant que des « études en biologie moléculaire récentes ont identifié de solides candidats pour les récepteurs d’umami
Cependant, le rôle spécifique de chaque type de récepteur dans les cellules gustatives est inconnu. Les cellules répondant aux stimuli du goût umami ne possèdent pas de synapses types, mais l’ATP transmet les signaux du goût aux nerfs gustatifs, puis au cerveau qui interprète et identifie la qualité du goût.

Pour compléter vos connaissances, vous pouvez également  trouver une large présentation de cette saveur ICI.

 En quelques mots comment s’applique l’umami au domaine du vin ? 


Fabrizio BUCCELA (Docteur en physique, professeur des universités à l'Université libre de Bruxelles et auteur de ''Umami, les secrets de la cinquième saveur'' paru chez Dunod en 2020) nous éclaire sur les dessous de cette fadeur délicate et étrangement irrésistible que l’on retrouve dans nos verres.

Il s'agit de la saveur associée au glutamate monosodique, un sel obtenu à partir de l'acide glutamique, un acide aminé non essentiel. Le glutamate donne un supplément d'âme aux produits.
La choucroute est plus savoureuse que le chou ou le fromage que le lait.
Pour situer, le glutamate est le composant principal des bouillons cube ou du viandox.
En matière de vin, la question n'est pas facile. 
En vérité, le vin a cette longueur en bouche, cette intensité, ce goût de reviens-y, qui n'est pas uniquement le fait de la molécule d'éthanol.
Avec mes étudiants, nous avons tenté de reproduire en laboratoire un vin artificiel.
Il était plat et sans âme, jusqu'au moment où nous avons pensé à y ajouter un peu de glutamate monosodique.

Certains vins sont-ils davantage « umami» que d'autres ?
Tous les aliments fermentés contiennent naturellement du glutamate.
L'industrie le produit d'ailleurs par fermentation. Les vins contiennent tous du glutamate.
Certains en contiennent plus que d'autres. On pense aux vins qui ont été élevés sur lies et bâtonnés, car l'autolyse des levures est une grande pourvoyeuse de glutamate.
Il y a aussi les vins vieillis en fût, puisque le vieillissement concentre le glutamate.
La fermentation malolactique produit également du glutamate, même si ce point est quelque peu discuté. Les vins non filtrés et non collés sont plus riches en glutamate.

Selon les types de vin, en existe-t-il certains dans lesquels la cinquième saveur est plus présente ?
Oui. Prenons, par exemple, les vins dont les raisins ont été attaqués par le botrytis cinerea, champignon responsable de la pourriture noble. On pense aux fameux vins liquoreux de Sauternes, les vendanges tardives ou les sélections de grains nobles en Alsace. La dégradation bactérienne induite par le champignon concentre les arômes et produit du glutamate. Enfin, les vins orange que les amateurs s'arrachent sont des bombes de glutamate. Je me suis toujours demandé si l'engouement pour ces vins n'était pas dû à cette raison.

Trouve-t-on plus d'umami dans les vins rouges ou les vins blancs ?
La question est subtile
On considère que les vins rouges contiennent plus de glutamate. La fermentation du vin rouge implique un contact prolongé avec les peaux et les pépins des raisins, qui en contiennent beaucoup. De plus, le vin rouge est souvent vieilli plus longtemps que le vin blanc, et le processus de vieillissement augmente la teneur en glutamate. Cependant, comme on l'a dit, certains vins blancs, notamment ceux qui sont vieillis sur lies, ou qui ont subi une fermentation malolactique, ont également une grande teneur en glutamate. On comprend qu'un meursault est une bombe aromatique, il coche toutes les cases : fermentation malolactique, vieillissement sur lies et bâtonnage en barrique.

Quels sont les arômes permettant de le déceler dans un vin ? 
Là, c'est très compliqué, car l'éthanol et les alcools supérieurs, notamment le glycérol, prennent le dessus lors de la dégustation. Ceci étant, avec mes étudiants, je prends deux muscadets. Le premier est élevé sur lies et le second non. Il existe même l'appellation Muscadet Sèvre et Maine sur lie. La différence entre les deux vins, le petit plus qui fait que le «sur lie» sort du lot, c'est le glutamate. Il y a cette vibration, ce quelque chose d'indescriptible qui est plaisant.

Avec quels mots peut-on le définir lors d’une dégustation ?
Si vous voulez des descripteurs plus précis, voici ceux que je retiens : rondeur en bouche (sensation de plénitude provoquée par le glutamate), persistance aromatique intense ou longueur en bouche (le glutamate l'augmente), finale saline (le glutamate est parfois codé comme pseudo-salinité) et enfin la structure ou le corps du vin est influencée par le glutamate : le vin est plus structuré, corsé.

L'umami est-il toujours un attribut positif, ou bien faut-il y prendre garde ?
D'un point de vue de la santé, ce n'est pas la quantité de glutamate qu'on va trouver dans les vins qui va changer quoi que ce soit.
Du point de vue de la saveur, cela dépend de ce que l'on recherche. Pour reprendre l'exemple du muscadet, si l'on veut un vin tranchant, droit, tendu... alors, on évitera le glutamate, qui arrondit le produit.
Par ailleurs, le glutamate donne parfois une impression de terre ou de champignon, même sur un vin jeune. Si cela vous plaît, tant mieux, sinon il ne faut pas en abuser.

Des vignerons recherchent-ils cette saveur à dessein et, le cas échéant, existe-t-il des techniques pour y parvenir ?
Je ne suis pas dans la tête des vignerons, mais sans rechercher spécifiquement le glutamate, ils ont les gestes et les connaissances héritées des anciens. Ils savent comment rendre un vin plus gras, plus onctueux : l'élevage et le bâtonnage sur lie notamment. Ils savent que la fermentation malolactique diminue l'acidité et apporte du volume au vin. Ils savent que le collage et la filtration resserrent un peu le vin. Ils ne cherchent pas le glutamate en tant que tel, mais cherchent ce qui est bon en fonction de leur idée du vin. De la même manière, nos grands-mères ne faisaient pas rissoler des oignons dans la poêle pour extraire le glutamate, mais elles savaient que le plat en serait plus savoureux. 

Références :
- Alicia Dorey publié le 02/06/2023
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Umami


CFa le 4.02.2024

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