L’umami, la 5ème saveur.
Cette 5ᵉ saveur venue du Japon est désormais sur toutes les langues, avidement
recherchée par les chefs et utilisée à tout va par les œnologues et sommeliers.
L'umami, généralement traduit par ''essence du délice'', est, au Japon, une
cinquième saveur de base avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé.
Étymologie :
Le mot ''umami'' est un emprunt au japonais umami signifiant ''goût savoureux''. Le
choix de cette écriture (mixte en hiraganas et en kanjis) est dû au professeur
Kikunae Ikeda à partir de umai ‘’délicieux’’ et mi ‘’goût’’.
Origines :
Les
scientifiques ont longtemps débattu afin de savoir si l'umami était
effectivement une saveur de base. En 1985, lors du premier Umami International
Symposium à Hawaï, le terme umami a officiellement été reconnu comme le terme
scientifique pour décrire le goût du glutamate et des nucléotides
À présent,
il est largement accepté comme étant le cinquième goût.
L'umami
représente le goût donné par l’acide aminé L-glutamate et les
5′-ribonucléotides tels que la guanosine monophosphate (GMP) et l'inosine
monophosphate (IMP). Bien qu'on puisse le décrire comme un goût plaisant de «
bouillon » ou de « viande » avec une sensation durable, appétissante et
recouvrant toute la langue, le mot umami n'est généralement pas traduit.
Le mot
reste umami dans de nombreuses langues comme le français, l'anglais ou
l'espagnol.
La
sensation d’umami est due à la détection de l'anion carboxylate du glutamate
(groupe carboxylate –COO– présent à l'extrémité de sa chaîne latérale de
propanoate) dans des cellules réceptrices spécialisées présentes sur la langue
humaine et animale. Son effet fondamental est sa capacité à équilibrer et
arrondir l’intégralité de la saveur d’un plat. La saveur umami améliore
nettement la sapidité d’un grand nombre d’aliments. L'acide glutamique révèle
un petit goût d'umami, tandis que les sels de l'acide glutamique, connus sous
le nom de glutamate (mono-sodique), dissociés et ionisés sous forme de
carboxylate à haut pH, donnent le goût caractéristique de l’umami.
Découverte
:
Le
glutamate a une longue histoire dans la tradition culinaire. Les sauces de
poisson fermentées (garum), riches en glutamate, étaient déjà utilisées dans la
Rome antique. Jean Anthelme Brillat-Savarin dans Physiologie du goût parue en
1825, aurait désigné l'umami sous le terme d’ « osmazome », terme inventé en
1806 par le chimiste Louis Jacques Thenard. À la fin du XIXeme
siècle, le chef Auguste Escoffier, qui avait ouvert ce qui était le restaurant
le plus cher et le plus révolutionnaire de Paris, créait des repas qui
associaient l’umami à des goûts salés, acides, sucrés et amers. Cependant, il
ne connaissait pas la source de cette qualité unique.
Ce n’est
qu’en 1908 que le goût umami a réellement été identifié, par le chercheur
Kikunae Iked, professeur à l'Université Impériale de Tokyo. Il a découvert que
le glutamate était responsable de la sapidité du bouillon d’algue kombu. Il a
remarqué que le goût du bouillon dashi à base de kombu était différent des
goûts sucré, acide, amer et salé, et il l’a appelé umami.
Plus tard,
en 1913, un disciple du professeur Ikeda, Shintaro Kodama, a découvert que des
copeaux de bonite séchée contenaient une autre substance umami. Il s’agissait
du ribonucléotide IMP. En 1957, Akira Kuninaka découvrit que le ribonucléotide
GMP présent dans les champignons shiitake conférait également le goût umami.
L’une des découvertes les plus importantes de Kuninaka fut l’effet synergétique
entre les ribonucléotides et le glutamate. Lorsque les aliments riches en
glutamate sont associés à des ingrédients contenant des ribonucléotides,
l’intensité du goût qui en résulte est supérieure à la somme du goût des deux
ingrédients.
Cette
synergie de l’umami explique de nombreux appariements alimentaires classiques,
en commençant par la raison pour laquelle les Japonais font le dashi à base
d’algue kombu et des copeaux de bonite séchée, et il en est ainsi pour de
nombreux autres plats : les Chinois ajoutent des poireaux et du chou chinois
dans la soupe de poulet, comme dans le cock-a-leekie, plat écossais similaire,
et les Italiens saupoudrent de parmesan la sauce tomate aux champignons. La
sensation du goût umami de ces ingrédients associés dépasse le goût de chacun
des ingrédients seul.
Propriétés :
L’umami a
un après-goût durable et doux. Il provoque la salivation et une sensation de
fourrure sur la langue, en stimulant la gorge, le palais et le dos de la langue.
L’umami n’est pas savoureux en soi, mais il améliore la saveur d’une large
variété d’aliments, surtout en présence d’un arôme assorti. Mais comme les
autres saveurs de base, à l’exception du saccharose, l’umami n’est agréable que
dans une gamme de concentration relativement faible. Le goût umami optimal
dépend également de la quantité de sel et, en même temps, les aliments
hyposodiques peuvent maintenir un goût satisfaisant avec une quantité
appropriée d’umami.
En fait, la
démonstration a été faite que les taux de plaisir, d’intensité du goût et de
salinité idéale des soupes pauvres en sel étaient plus élevés lorsque la soupe
contenait de l’umami, tandis que les soupes pauvres en sel sans umami étaient
décrites comme moins savoureuses.
Certains
groupes de population, tels que les personnes âgées, dont le goût et l’odorat
sont affectés par l’âge et la prise de médicaments, peuvent tirer profit de
l’umami.
La perte
de goût et d’odorat peut entraîner de mauvais apports nutritionnels augmentant
ainsi leur risque de maladie.
Aliments
riches en umami :
De
nombreux aliments que nous consommons chaque jour sont riches en umami.
Le
glutamate est naturellement présent dans les viandes et les légumes, tandis que
l’inosinate (exhausteur de goût) se trouve essentiellement dans les viandes et
la guanylate dans les légumes. Le goût umami est donc commun aux aliments
contenant un taux élevé de L-glutamate, d'IMP et de GMP, et plus
particulièrement dans le poisson, les crustacés, les viandes fumées, les
légumes (par exemple : les champignons, les tomates mûres, le chou chinois, les
épinards, etc.) ou le thé vert, ainsi que dans les produits fermentés et
vieillis (par ex. : les fromages, les purées de crevettes, la sauce soja,
etc.).
La
première expérience de l'humain avec le goût umami se fait souvent avec le lait
maternel. Il contient à peu près la même quantité d’umami que les bouillons.
Il existe
quelques différences dans les bouillons de différents pays.
Le dashi
japonais donne une sensation gustative d’umami très pure parce qu’il ne se base
pas sur des viandes issues de milieux terrestres. Dans le dashi, le L-glutamate
est issu de l’algue kombu (Laminaire japonaise) et l’inosinate est issu des
copeaux de bonite séchée (katsuobushi) ou de petites sardines séchées
(niboshi).
En
revanche, les bouillons occidentaux et chinois ont une saveur plus complexe en
raison d’un mélange plus important d’acides aminés issus des os, des viandes et
des légumes.
Récepteurs
gustatifs :
Toutes les
papilles gustatives sur la langue et les autres zones de la bouche peuvent
détecter le goût umami indépendamment de leur emplacement. La carte de la
langue d’après laquelle les différents goûts sont répartis sur différentes
zones de la langue est une idée fausse couramment répandue. Des études
biochimiques ont identifié les récepteurs gustatifs responsables du goût umami
et ceux-ci ont été identifiés dans les papilles gustatives de toute la langue.
L’Académie des sciences de New York a corroboré l’acceptation de ces récepteurs
en déclarant que des « études en biologie moléculaire récentes ont identifié de
solides candidats pour les récepteurs d’umami
Cependant,
le rôle spécifique de chaque type de récepteur dans les cellules gustatives est
inconnu. Les cellules répondant aux stimuli du goût umami ne possèdent pas de
synapses types, mais l’ATP
transmet les signaux du goût aux nerfs gustatifs, puis au cerveau qui
interprète et identifie la qualité du goût.
Pour compléter
vos connaissances, vous pouvez également trouver une large présentation de cette saveur
ICI.
En quelques mots comment s’applique l’umami au domaine du vin ?
Fabrizio
BUCCELA (Docteur en physique, professeur des universités à l'Université libre
de Bruxelles et auteur de ''Umami, les secrets de la cinquième saveur'' paru chez
Dunod en 2020) nous éclaire sur les dessous de cette fadeur délicate et
étrangement irrésistible que l’on retrouve dans nos verres.
Il s'agit de la saveur associée au glutamate
monosodique, un sel obtenu à partir de l'acide glutamique, un acide aminé non
essentiel. Le glutamate donne un supplément d'âme aux produits.
La
choucroute est plus savoureuse que le chou ou le fromage que le lait.
Pour
situer, le glutamate est le composant principal des bouillons cube ou du
viandox.
En matière
de vin, la question n'est pas facile.
En vérité, le vin a cette longueur en
bouche, cette intensité, ce goût de reviens-y, qui n'est pas uniquement le fait
de la molécule d'éthanol.
Avec mes étudiants, nous avons tenté de
reproduire en laboratoire un vin artificiel.
Il était
plat et sans âme, jusqu'au moment où nous avons pensé à y ajouter un peu de
glutamate monosodique.
Certains
vins sont-ils davantage « umami» que d'autres ?
Tous les
aliments fermentés contiennent naturellement du glutamate.
L'industrie le produit d'ailleurs par
fermentation. Les vins contiennent tous du glutamate.
Certains en contiennent plus que d'autres. On
pense aux vins qui ont été élevés sur lies et bâtonnés, car l'autolyse des
levures est une grande pourvoyeuse de glutamate.
Il y a aussi les vins vieillis en fût, puisque
le vieillissement concentre le glutamate.
La fermentation malolactique produit également
du glutamate, même si ce point est quelque peu discuté. Les vins non filtrés et
non collés sont plus riches en glutamate.
Selon les
types de vin, en existe-t-il certains dans lesquels la cinquième saveur est
plus présente ?
Oui.
Prenons, par exemple, les vins dont les raisins ont été attaqués par le
botrytis cinerea, champignon responsable de la pourriture noble. On pense aux
fameux vins liquoreux de Sauternes, les vendanges tardives ou les sélections de
grains nobles en Alsace. La dégradation bactérienne induite par le champignon
concentre les arômes et produit du glutamate. Enfin, les vins orange que les
amateurs s'arrachent sont des bombes de glutamate. Je me suis toujours demandé
si l'engouement pour ces vins n'était pas dû à cette raison.
Trouve-t-on
plus d'umami dans les vins rouges ou les vins blancs ?
La
question est subtile
On considère que les vins rouges contiennent
plus de glutamate. La fermentation du vin rouge implique un contact prolongé
avec les peaux et les pépins des raisins, qui en contiennent beaucoup. De plus,
le vin rouge est souvent vieilli plus longtemps que le vin blanc, et le
processus de vieillissement augmente la teneur en glutamate. Cependant, comme
on l'a dit, certains vins blancs, notamment ceux qui sont vieillis sur lies, ou
qui ont subi une fermentation malolactique, ont également une grande teneur en glutamate.
On comprend qu'un meursault est une bombe aromatique, il coche toutes les cases
: fermentation malolactique, vieillissement sur lies et bâtonnage en barrique.
Quels sont
les arômes permettant de le déceler dans un vin ?
Là, c'est
très compliqué, car l'éthanol et les alcools supérieurs, notamment le glycérol,
prennent le dessus lors de la dégustation. Ceci étant, avec mes étudiants, je
prends deux muscadets. Le premier est élevé sur lies et le second non. Il
existe même l'appellation Muscadet Sèvre et Maine sur lie. La différence entre
les deux vins, le petit plus qui fait que le «sur lie» sort du lot, c'est le
glutamate. Il y a cette vibration, ce quelque chose d'indescriptible qui est
plaisant.
Avec quels
mots peut-on le définir lors d’une dégustation ?
Si vous
voulez des descripteurs plus précis, voici ceux que je retiens : rondeur en
bouche (sensation de plénitude provoquée par le glutamate), persistance
aromatique intense ou longueur en bouche (le glutamate l'augmente), finale
saline (le glutamate est parfois codé comme pseudo-salinité) et enfin la
structure ou le corps du vin est influencée par le glutamate : le vin est plus
structuré, corsé.
L'umami
est-il toujours un attribut positif, ou bien faut-il y prendre garde ?
D'un point
de vue de la santé, ce n'est pas la quantité de glutamate qu'on va trouver dans
les vins qui va changer quoi que ce soit.
Du point
de vue de la saveur, cela dépend de ce que l'on recherche. Pour reprendre
l'exemple du muscadet, si l'on veut un vin tranchant, droit, tendu... alors, on
évitera le glutamate, qui arrondit le produit.
Par
ailleurs, le glutamate donne parfois une impression de terre ou de champignon,
même sur un vin jeune. Si cela vous plaît, tant mieux, sinon il ne faut pas en
abuser.
Des
vignerons recherchent-ils cette saveur à dessein et, le cas échéant,
existe-t-il des techniques pour y parvenir ?
Je ne suis
pas dans la tête des vignerons, mais sans rechercher spécifiquement le
glutamate, ils ont les gestes et les connaissances héritées des anciens. Ils
savent comment rendre un vin plus gras, plus onctueux : l'élevage et le
bâtonnage sur lie notamment. Ils savent que la fermentation malolactique
diminue l'acidité et apporte du volume au vin. Ils savent que le collage et la
filtration resserrent un peu le vin. Ils ne cherchent pas le glutamate en tant
que tel, mais cherchent ce qui est bon en fonction de leur idée du vin. De la
même manière, nos grands-mères ne faisaient pas rissoler des oignons dans la
poêle pour extraire le glutamate, mais elles savaient que le plat en serait
plus savoureux.
Références :
- Alicia
Dorey publié le 02/06/2023
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Umami
CFa le 4.02.2024
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