mercredi 30 janvier 2019

Vin ''Bleu'' venu d'Espagne et de Corse.



Vin "naturellement" bleu venu d'Espagne : un problème de chimie... et d'œnologie



Par Sarah Sermondadaz le 07.08.2018 à 19h23,
mise à jour le 16.08.2018 à 09h35  parue dans « Sciences et Avenir »

Des vins présentés comme "naturellement" bleus sont commercialisés en Espagne, et désormais en France. Un argument marketing qui pose des questions sur leur réel procédé de fabrication.

Peut-on faire du vin Bleu uniquement à partir de peaux de raisin noir ?

Un vin bleu, à la couleur obtenue "naturellement" grâce à une macération supplémentaire d'un Chardonnay blanc dans des peaux de raisin noir.
C'est la promesse d'un importateur de vin basé à Sète pour commercialiser son vin bleu venu d'Andalousie, en Espagne. 
Trop beau pour être vrai ?   
Sciences et Avenir s'est entretenu avec plusieurs scientifiques de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui émettent des doutes quant à la possibilité d'obtenir du vin bleu par ce procédé sans devoir ajouter d'autres produits. 
En cause, la chimie des anthocyanes, famille de polyphénols donnant une couleur allant du rouge au bleu à de nombreux végétaux et fruits (raisins, mais aussi mûres et myrtilles)... 

Explications : 
Mise à jour du 09 août 2018. 
Nous avons reçu ce jour la réaction d’un porte-parole de Mediterra Vins, qui commercialise le produit Vindigo. 
"Ces questions sont compréhensibles, une telle couleur interroge. Je maintiens qu’elle est naturelle, il n'y a pas de colorants. Le pH peut être monté à plus de 7 puis abaissé, mais il existe aussi d'autres procédés, mis en oeuvre par le producteur." 


Depuis la publication de notre article, Vindigo a modifié les étiquettes affichées sur son site, qui ne font plus mention de "Vin bleu de méditerranée", mais désormais uniquement de "Chardonnay". "Il y a eu au départ une erreur d'étiquetage involontaire relative à l'Indication géographique protégée (IGP) Vin de méditerranée, que nous avons retirée. Mais nous vendons du 100% Chardonnay. Jusqu'à preuve du contraire, le Chardonnay est du vin. " 

Les anthocyanes ne peuvent être bleues au pH du vin ? 
À l'antenne de France Bleu Hérault, le Sètois expliquait que son vin ne contient "aucun produit ni sucre ajouté, c'est à 100% du Chardonnay. Ils le passent dans de la peau de raisin rouge. Or dedans il y a un bleu, l'anthocyane", a avancé l'entrepreneur, expliquant la couleur bleue du vin importé d'Espagne par cette étape supplémentaire réutilisant des peaux de raisin noir. Une explication trop simple qui ne tient pas compte de la sensibilité des anthocyanes à l'acidité du milieu... et laisse entier le mystère de la fabrication de ce vin. 

Chimie :   
"Les anthocyanes sont particulièrement sensibles au changement de pH [ndlr : potentiel hydrogène, une échelle de 1 à 14 permettant de mesurer l'acidité d'un milieu]", détaille Véronique Cheynier, directrice de recherche Inra spécialiste des polyphénols. Ils sont rouges en milieu acide, à bas pH, et ne passent au bleu qu'en milieu basique, à un pH supérieur à 7", explique-t-elle.
Or, un vin a le plus souvent un pH compris entre 3 et 4. "Un vin dont le pH est supérieur à 4 est instable au niveau microbiologique, et s'oxyde beaucoup plus vite. On retrouve cet effet dans les vins rouge tuilés, qui prennent une teinte orangée", poursuit Jean-Louis Escudier, ingénieur de recherche à l'Inra, co-auteur de l'ouvrage De l'oenologie à la viticulture.



La structure chimique des anthocyanes, et donc leur couleur, varie avec le pH / Crédits : thèse de G. Isorez, université Louis Pasteur de Strasbourg. 

Un procédé de fabrication mystérieux : 
Est-ce à dire que la belle couleur turquoise du vin ne peut trouver d'origine naturelle ? La question est posée.... sans aujourd'hui de réponse claire. "Je ne vois pas comment l'apport d'anthocyanes extraites du marc de raisin rouge peut rendre ce vin bleu. Même si l'on a déjà réussi à isoler en laboratoire des pigments dérivés d'anthocyanes qui présentent une couleur bleue en milieu acide, ces derniers sont présents en quantités infimes dans les marcs et les vins", développe la directrice de recherches. "Par ailleurs, cela reviendrait à ajouter du marc de vin rouge à un vin blanc, ce qui est interdit... même pour du vin rosé !", précise Jean-Louis Escudier. 

Anthocyanes : 
Pourrait-on utiliser les pigments évoqués plus haut ? "On pourrait les isoler ou les synthétiser en laboratoire", concède Véronique Cheynier. "C'est d'ailleurs un enjeu pour l'industrie agroalimentaire, qui cherche à remplacer les colorants bleus actuels de synthèse par du bleu d'origine naturelle."  Mais "si l'étiquette porte simplement la mention vin, l'addition de fractions de polyphénols ou d'anthocyanes, même extraites du raisin, n'est pas légale", tranche Jean-Louis Escudier.
Ne restent alors que deux hypothèses : celle de l'ajout d'un autre pigment bleu, non mentionné sur l'étiquette... ou alors l'alcalinisation du vin à un pH supérieur à 7... ce qui semble risqué. "Il existe des techniques autorisées pour modifier l'acidité du vin, mais ce sont des ajustements de l'ordre quelques dixièmes sur le pH", explique Jean-Louis Escudier. De plus, le vin s'oxyde et brunit davantage à pH élevé, et '"on ne dispose pas d'antioxydant autorisé en œnologie, à part les sulfites, qui décolorent partiellement les anthocyanes." Ces derniers sont d'ailleurs "inactifs à pH neutre ou alcalin", ce qui pose problème. "Cela modifierait en outre fortement le goût naturellement acide du vin", poursuit Véronique Cheynier 
Et de conclure : pour être fixés, "il faudrait réaliser l'analyse du vin".  Contacté par Sciences et Avenir, l'importateur français n'avait pas répondu à nos questions lors de la première publication de cet article (voir mise à jour plus haut). Nous avons également contacté le producteur basé en Espagne, qui n'a pour l'instant pas répondu. 

Un vin coloré en bleu peut-il être vendu pour du vin ? 
Au-delà des règles de la chimie, se pose alors un autre débat, d'ordre œnologique : du vin bleu est-il encore du vin * ? 
"Un certain nombre de pratiques sont autorisées, mais pour les produits dérivés du vin", indique encore la directrice de recherches. Pour l'OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin) sont uniquement définis, donc autorisés par les États adhérents à l'OIV (dont l'Union européenne), certains additifs et auxiliaires technologiques pour des usages bien précis, comme le montre la page XV du Code international des pratiques oenologiques. Les additifs qui affectent la couleur du vin sont ainsi soumis à une législation très stricte. Le code international stipule que toute boisson contenant un autre colorant que du caramel ou les colorants rouge et jaune (qui sont autorisés pour les "vins aromatisés", mais pas pour le vin, voir II.6.4-6 du codex oenologique) ne peut être vendu en tant que vin, mais seulement en tant que "boisson à base de vin" ou "boisson à base de produit vitivinicole", catégories les plus larges. 
"Le même débat s'est déjà posé pour l'aromatisation. Demain, la réglementation devra peut-être ouvrir une nouvelle catégorie de 'vins colorés', au même titre que 'vins aromatisés' ou 'boisson à base de vin'", anticipe Jean-Louis Escudier. Au cœur du problème, "l'obligation réglementaire pour une boisson d'indiquer sur son étiquette tous les additifs utilisés... ce qui ne vaut pas pour le vin, sauf pour les allergènes. Mais la Commission européenne envisage d'harmoniser les règles du jeu." 

Espagne ; 
La polémique a en fait précédé en Espagne, où un "vin bleu" est apparu courant 2015, avec le vin basque "Gik", qui devait sa couleur bleue aux anthocyanes... mais aussi à des pigments d'indigotine (E132). Des supermarchés français, ayant importé le produit, ont fini par le retirer des rayons. Après une enquête de la répression des fraudes espagnoles, il a été exigé de la société qu'elle cesse de vendre sa boisson pour du "vin bleu". 
La raison : l'appellation "vin bleu" n'est pas indiquée parmi les 17 catégories de vin reconnues par l'UE. La société a riposté en indiquant "99% vin" sur l'étiquette décrivant la composition de la boisson, désormais vendue comme "boisson à base de vin." 

* Vin. "Le vin est d'abord défini par son processus d'élaboration", rappelle Jean-Louis Escudier.
Car n'importe quel produit ne peut être vendu en tant que vin au motif qu'il est conçu au départ à partir de raisin : il doit être conçu selon un ensemble de méthodes rigoureusement codifiées. 
"Le vin est le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais ou du moût de raisins. Son titre alcoométrique acquis ne peut être inférieur à 8,5%", détaille l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV).


Imajyne : Le vin bleu de Corse


>>>> (Extraits du site : www.gastronomico.fr/vin-bleu-imajyne)

Depuis fin 2017, Sylvain et Bruno Milanini commercialisent un vin bleu, aussi inattendu qu’envoûtant. Derrière cet incroyable projet, bien loin d’être une énième fantaisie au royaume de la « branchitude », se cache une aventure familiale hors du commun qui s’est révélée pleine de surprises. 


 Une ode à Jean-Yves, le père disparu : 
À l’origine de ce pari fou, on trouve Jean-Yves Milanini Auriol, le père de Sylvain et Bruno. Toute sa vie, cet épicurien et avant-gardiste a nourri le rêve de produire un jour un vin de la mer au cœur de l’auberge familiale de Figari Pozzo di Mastri en Corse du sud. Après son décès, ses ls ont décidé de mettre toute leur énergie, leur audace et leur persévérance au service de ce rêve. Et c’est ainsi que naquit ImaJYne, dont le nom était tout trouvé, mêlant à la fois les initiales de Jean-Yves, et sa passion pour les Beatles. 

Un vin plus sain que nature : 
Un vin bleu, voilà qui aurait de quoi enrayer les plus puristes d’entre nous. Et pourtant ! Quelle meilleure réponse aux a priori que ce vin de la mer, qui derrière son apparence nouvelle et détonante, cache une boisson naturelle, à l’équilibre parfait entre minéral et végétal. Car à la base, les frères Milanini souhaitaient faire un vin différent, par sa pureté et non son apparence. C’est ainsi qu’avec leur œnologue, ils se sont attelés à délivrer un vin avec le moins de sulfites et dioxyde de souffre possibles, substances chimiques utilisées la plupart du temps dans la fabrication du vin. 

Un parfait équilibre entre minéral et végétal : 
Pour obtenir ce vin au caractère unique, subtilement fruité et qui a les mêmes exigences gustatives que le vin rosé, le procédé fait la part belle aux minéraux et végétaux.
Après des vendanges nocturnes, qui permettent de garder la fraicheur des raisins, ces derniers sont rincés à l’eau de mer pour exhausser le goût du fruit, avant une vinification d’un nouveau genre. 
Car pour réduire les sulfites et le dioxyde de souffre au maximum, les frères Milanini et leur œnologue utilisent des minéraux, végétaux naturels et antioxydants mélangés à des herbes et des algues mais notamment une algue : la fameuse spiruline qui lui donne cette couleur BLEUE ! 
Enfin, pour stabiliser le vin, les bouteilles sont stockées 6 mois sous la mer à 70 mètres de profondeur dans une grotte sous-marine, avant d’être commercialisées dans le monde entier. Cette année, la dernière production de 35 000 flacons a été vendue immédiatement entre la Corse, la Riviera, Monaco et Dubaï ! 

Un vin bleu… par surprise : 
Et c’est la magie de la nature qui a opéré dès la première expérimentation de ce vin de la mer, puisqu’il est apparu bleu, sans que personne n’ait pu prédire ce petit miracle.
Quel plus beau clin d’œil à la Corse, à la mer, et à la volonté de se démarquer transmise par leur père aux frères Milanini qu’un vin de couleur bleu azur ? 

Une étiquette signée par l’artiste Enki Bilal, Grand prix d’Angoulème 1987 : 
Et parce que tout est riche de sens chez les Milanini, l’étiquette de ce vin Corse a été imaginée par Enki Bilal, grand ami de Jean-Yves. Qui mieux que ce célèbre dessinateur (Grand Prix du Festival d’Angoulême en 1987) à l’univers visionnaire, dont les thèmes de la mémoire et du temps sont au centre de l’œuvre pour apporter la touche finale de cette si belle aventure ?

Bonne lecture.
Le dernier vin ‘’Imajyne’’ est celui que nous avons dégusté ce 29.01.2019.
Claude


1 commentaire:

  1. La promesse était belle la couleur blue lagoon aussi, le résultat à la dégustation est tout autre peu expressif et sans caractères
    les vins Corse ont suffisamment d'atouts et peuvent se passer de ce marketing.

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