Un village vigneron : Chavignol
Le vignoble Sancerrois se situe en plein cœur du Berry. Il est le plus accidenté des vignobles du Centre-Loire, constitué d’une série de vallons et de coteaux dont la formation remonte à l’ère tertiaire, lorsque la plaque Africaine entra en collision avec la plaque Européenne, entraînant la formation des principales chaînes de montagnes et des grands bassins sédimentaires, il y a environ 5 Millions d’années.
Le Vignoble de Sancerre |
Chavignol : ses terroirs, ses vignerons.
Ses
Terroirs :
Vue sur le village de Chavignol |
Etude des sols de Chavignol.
Coupe géologique de Sancerre (extrait du Grand atlas des Vignobles de France) |
Pour
bien comprendre cette variation de sols si distincts les uns des autres, il
faut remonter à la fin de l’ère tertiaire, lorsque les mouvements tectoniques
des plaques ont donné naissance aux deux principales failles de Sancerre et de
Thauvenay, mettant ainsi en contact des étages géologiques non consécutifs,
comme le montre la figure 1 : pile au niveau de la faille, les couches
kimméridgiennes du Jurassique (formées entre 154 et 135 millions d’années avant
notre ère) côtoient les formations « Cénomanien » et « Hauterivien » du
Crétacée (il y a 96 millions d’années) et celles de l’Eocène (il y a 50
millions d’année).
Si l’on fait un zoom sur le terroir de Chavignol, voici les différentes couches géologiques qui y affleurent :
Fig : 2 Géologie du vignoble de Chavignol (Extrait du livre « Voyage dans un paysage LE VIGNOBLE CHAVIGNOL » de Thibaut Boulay) |
Si l’on regarde la carte du temps géologique, on constate que le Jurassique Supérieur est formé de trois étages : le plus ancien, l’Oxfordien suivi du Kimméridgien, puis le dernier, formé à la fin du Jurassique Supérieur, le Tithonien ; chaque étage représente entre 5 et 10 Millions d’années.
L’observation de la carte du vignoble de Chavignol (fig. 2) nous indique que
les sols surnommés « griottes » ou « calcaires crayeux de Bourges » qui tapissent le vallon se sont formés à
l’étage Oxfordien supérieur. Puis en remontant vers l’Ouest, la nature du sol
change, on est en présence des « caillottes » – ou « calcaires de Buzançais » –
formés à l’étage kimméridgien inférieur qui se caractérisent par du calcaire
lité, que les gels successifs ont cassé en fines plaquettes. Puis en remontant
le coteau Ouest, apparaissent les « Terres Blanches », des marnes
kimméridgiennes, gorgées de fossiles d’huîtres et de coquillages appelées
également marnes à « Exorera Virgula », du nom de la fameuse petite huître
fossilisée. Ces marnes bleutées, qui forment une terre collante par temps
humide, blanchissent au soleil, d’où leur surnom de « terres blanches ».
Ces
fossiles de coquillages témoignent de la présence d’eau à cette époque. En
effet, au Jurassique, la mer envahit la majeure partie de la France, dont le
relief était alors très plat. Le climat y était chaud et humide, de type
tropical, favorable au développement d’une barrière de corail. La figure 4
ci-dessous représente la situation continentale et marine de la Terre au
Jurassique moyen et supérieur. Les beaux terroirs de Chavignol étaient en
pleine construction, sous une lagune chaude et peu profonde pendant le
Jurassique moyen.
Fig : 4 La « France » au Jurassique moyen et supérieur – Extrait du site « vinsvignesvignerons.com ». |
Fig : 5 La « France » à l’Eocène. – Extrait du site « vinsvignesvignerons.com ». |
Les « Crus » de
Chavignol – 2 coteaux réputés
Chavignol ne bénéficie pas de sa propre appellation village, les vins sont commercialisés sous l’appellation Sancerre. Mais certains vignerons font apparaître le nom du village sur l’étiquette. La diversité des sols est telle que les vins présentent des profils aromatiques bien différents selon qu’ils proviennent de Chavignol ou de Sancerre même. Comme le souligne très justement Jean-Robert Pitte, président de l’Académie des Vins de France, il serait intéressant de décliner les Sancerre en 1er crus ou grands crus, plutôt que de chercher à obtenir une AOC village. Car Chavignol possède deux terroirs exceptionnels sur ses coteaux : la côte des Monts Damnés et le Cul de Beaujeu.
Le Cul de Beaujeu et les Monts-Damnés, vu depuis le lieu-dit « Les Echeneaux » – Extrait du livre « Voyage dans un paysage LE VIGNOBLE CHAVIGNOL », de Thibaut Boulay. |
- Le Cul
de Beaujeu.
A
Sancerre, comme partout en Europe, l’église joua un rôle important dans le
développement de la viticulture. Les vins étaient destinés à la célébration de
l’office divin et au devoir d’hospitalité, et les seigneureries de Bué,
Chavignol et Sury-en-Vaux, propriété du chapitre de la cathédrale de
Saint-Etienne de Bourges, fournissaient les vins destinés aux messes.
Un de
ces vignobles seigneuriaux faisaient la fierté du chapitre : Le Clos de
Beaujeu, qui portait autrefois le nom de « Clausus de Bellojoco » en
1328, puis celui de « Cloux de Beaugeu » avant de devenir, au 19ème
siècle et par déformation de langage, « Cul de Beaujeu ». On y
produisait un vin blanc d’une telle qualité que les chanoines le destinaient
pour tous les présents et dons qu’ils souhaitaient faire.
Constitué
d’un sol de marnes kimméridgiennes gorgées de fossiles d’huîtres (les fameuses
« Terres Blanches »), le Cul de Beaujeu présente une déclivité qui rend les
travaux viticoles difficiles. Ce terroir est planté de Sauvignon blanc, à
l’exception de la parcelle détenue par le Domaine Delaporte qui l’a
plantée en rouge ; parcelle située au sommet de ce terroir.
- Les Monts-Damnés
Pourquoi cet endroit était surnommé «
Monts-Damnés » ?
La
réponse n’est pas immédiate : certains l’attribuent au fait que ce coteau est
particulièrement abrupt et son orientation plein sud le rend très difficile à
travailler en pleine chaleur estivale.
Mais le nom « Monts-Damnés » pourraient tirer son origine des mots latins « Mon
= hauteur » et « Dominus = maître ». Au fil des siècles, le nom de ce vignoble
a subi de nombreux changements. Désigné sous le nom de Montdampni en
1252, il devient vignoble de Mouldannay en 1449 puis territoire
de Mondannain en 1450 avant de revenir à Mondampnay en
1483, puis vignoble de Mondampné en 1621, La coste de
Mont Dannay en 1673, et La côte de Mondanné en 1677.
Tous ces changements orthographiques ne nous permettent malheureusement pas
d’établir de façon péremptoire l’étymologie de ce nom.
D’un
point de vue géologique, les « Monts-Damnés », comme l’antique « Clos de Beaujeu
», ou la « Côte d’Amigny », offrent le même sol de marnes kimméridgiennes
appelées « Terres Blanches », seule diffère l’exposition car la côte des Monts
Damnés est orientée plein sud, ce qui accentue la pénibilité du travail sur ces
pentes ensoleillées dont la déclivité peut dépasser les 40%.
L’encépagement
est constitué majoritairement de Sauvignon Blanc, une variété qui s’épanouit
dans ce sol de marnes dont elle en apprécie tant les argiles : les vins blancs
produits y sont puissants et chauds, à l’exception des « vignes de la Comtesse
», parcelles situées en partie médiane des Monts-Damnés où les marnes
kimméridgiennes reposent sur les calcaires du Buzançais et donnent des vins
blancs plus délicats et plus fins. En montant sur les dernières hauteurs des
Monts-Damnés, le Sauvignon blanc laisse la place au Pinot Noir, seul cépage
sancerrois capable de s’accommoder de ces affleurements de calcaires lités
datant de l’Oxfordien où l’argile se fait rare.
Il faut
reconnaître que le vignoble de Chavignol se prête particulièrement à une viticulture propre et respectueuse de son
environnement, car il a conservé encore une grande partie des espaces de
biodiversité plantés des siècles auparavant.
Les
parcelles de vignes sont entourées d’arbres et de petits bois, et certaines,
situées au Cul de Beaujeu, disposent encore de haies permettant d’éviter
l’érosion des sols et de freiner l’activité des ravageurs de la vigne grâce à
un habitat adapté qu’elles offrent à la faune auxiliaire.
Les pelouses sèches des Linéaux (voir fig. 2) font partie des espaces préservés
Natura 2000, c’est un lieu privilégié où l’on peut contempler des orchidées
sauvages et nombre de plantes médicinales.
La conservation de ce parcellaire resté quasi-conforme à celui de l’Ancien
Régime fait de la commune de Sancerre une figure d’exception dans les paysages
viticoles. Considéré comme une « zone écologique réservoir » unique (ZER),
Chavignol fait l’objet d’une étude qui permettra à terme de favoriser la
réintroduction de ces ZER dans nos paysages viticoles afin de réguler
naturellement les ravageurs de la vigne.
Sources
bibliographiques
Jean de
Lery, Histoire mémorable de la ville de Sancerre – 1572
La Revue de la Nièvre & du Centre – Année 2, Numéro 1, 1925
Abbé Poupard, Histoire de la ville de Sancerre – 1777
Ch. Frankel, Terre de Vignes – 2011
Thibaut Boulay, Voyage dans un paysage LE VIGNOBLE CHAVIGNOL – 2017
Benoît France, Grand Atlas des Vignobles de France – 2008
http://www.vinsvignesvignerons.com
Ses Vignerons :
L’homme :
Sur ses terres, François fait régner
son air bonhomme depuis 1997.
Droit dans ses bottes et solide sur
ses appuis de colosse et très attachant, telle est son image. Cette nature lui
vient sûrement du caractère autodidacte de son apprentissage. Avant de prendre
officiellement les rênes du domaine en 1997, il se forme au métier de vigneron
aux côtés de son père, Paul Cotat, dès 1979 (décédé en 2018 à 87 ans) ; sa
mère recevait alors les clients.
De cette vie passée au contact des
pratiques viticoles paternelles, résulte une continuité tranquille dans
l’approche du vin et de la vinification, sorte de tradition familiale perpétuée
à travers les générations. D’héritage, peut-être sera-il transmis à son fils
cadet, Clément, qui a commencé à faire ses gammes au domaine François Chidaine
et les poursuit au Domaine Beaucastel. Cette façon de rester fidèle à soi-même,
loin des modes, François Cotat la cultive aussi hors champ. Jusque dans sa
cuisine, où il met un point d’honneur à élaborer des accords mets et vins
pleins de justesse. Devenus de véritables références au sein du vignoble
sancerrois, ses vins se sont affinés au fil des années sans rien perdre de leur
personnalité. Lui aussi reste le même. À 56 ans, il s’affiche peu. Il continue
de cultiver son côté “ours” et son bon sens paysan.
Hors normes, hors codes, hors temps. François Cotat se réserve le même luxe que ses vins. Celui d’apparaître tel qu’il est. Sans artifice.
La Grande Côte. Les Culs de Beaujeu.
Les Monts Damnés.
Autre spécialité héritée de longue
date, les fermentations sont volontairement courtes, pour ne pas prendre le
risque de fatiguer les vins et conserver toute leur énergie.
Seul changement opéré depuis la
reprise du domaine par François, l’assemblage des différentes pièces est
effectué lors du premier soutirage. Cela permet une homogénéité parfaite des
vins. À l’époque, les jus étaient mis en bouteille à la chèvre à deux becs,
directement au fût !
Cotation (en Euros): Monts-Damnés (Selon site Idealwine) au 6.05.2022.
2019 |
2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
2013 |
2012 |
2011 |
2010 |
2009 |
66,00 |
50,00 |
50,00 |
54,00 |
63,00 |
73,00 |
65,00 |
87,00 |
70,00 |
81,00 |
93,00 |
- Gérard Boulay :
Les vignes sont plantées à 8 000 pieds
par hectare, il les taille courtes, les contre-bourgeons sont enlevés à la main
pour éviter la vendange en vert et obtenir un rendement raisonnable. Les
traitements de la vigne sont les plus légers possible : ni pesticides, ni anti-pourriture,
ni engrais chimiques. Les vins sont vinifiés dans cet esprit qualitatif : les
levures sont évidemment indigènes, un soutirage est réalisé en fin de
fermentation et le vin est laissé sur lies fines.
Les vendanges sont manuelles pour les
sélections parcellaires et le Pinot Noir, mécaniques pour l'entrée de gamme en
Sancerre blanc. Le Sauvignon est pressé au chai dans un pressoir pneumatique,
les moûts débourbent sans enzyme et le jus fermente sans ajout de levure. Il
utilise des pièces de plusieurs vins pour la fermentation et l'élevage de des
sélections parcellaires en blanc, tandis que la cuvée tradition en Sancerre
blanc reste en cuve. Soutirage après la fermentation alcoolique et élevage sur
lies fines sans bâtonnage. Le soufre est utilisé à minima et le vin repose dans
des fûts de 300 litres ou dans des cuves émail ou inox. Les vins sont
légèrement filtrés avant la mise en bouteille. Le Pinot noir planté sur les
communes de Bué et Crézancy est travaillé en cave « à la bourguignonne ».
Ses blancs purs, cristallins et
capables d’une belle garde, reflètent avec force et élégance l’identité de leur
terroir. Pour cela, le vigneron ne ménage pas sa peine, menant une culture
exigeante et supervisant des vinifications minutieuses.
Cotation (en Euros) : Monts-Damnés (Selon site Idealwine) au 6.05.2022.
2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
2013 |
2012 |
2011 |
2010 |
2009 |
31,00 |
31,00 |
32,00 |
28,00 |
45,00 |
39,00 |
41,00 |
45,00 |
37,00 |
44,00 |
- Matthieu Delaporte :
2019 |
2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
24,00 |
28,00 |
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25,00 |
MAGNIFIQUE !
RépondreSupprimerQuelle belle présentation, aussi bien de la commune, du cru des Monts-Damnés, que des trois vignerons !
Bravo Claude !
Nous avons hâte de faire cette formidable dégustation à l'aveugle...
Au top cette présentation merci
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