mercredi 28 février 2018

Les Terrasses du Larzac



Les Terrasses du Larzac

Présentation :

En dehors d’un militaire et hormis quelques pacifistes ou écolos, qui donc peut situer avec précision le Larzac?
Un producteur de lait de brebis n’aura aucune difficulté à vous dire que ce grand causse est la voie d’accès historique au Languedoc viticole.
En partant du sud, remontez vers l’Auvergne. Dans votre dos, les plages bondées des stations balnéaires du golfe du Lion.
Adieu les effluves d’huile bronzante !
Bonjour le Languedoc, celui de l’intérieur.
Imaginez un instant que vous filez sur un croissant de lune renversé, un balcon incurvé composé de marches elles-mêmes tapissées d’un vaste puzzle fait de poches de garrigues, de vignes et d’oliveraies parsemées de roches grises ou rousses. Quelques mazets posés en bordure de vignes et de chemins, routes étroites menant aux villages de tuiles roses, ruisseaux à sec creusés dans la terre, le tout enserrant la masse rocheuse, froide et calcaire du plateau du Larzac.
Tôt ou tard, cette falaise se dresse devant vous. De ses 848 mètres de hauteur, le mont Saint-Baudile sert de repère dans le paysage. Vous allez à l’assaut d’une nouvelle frontière pourtant très ancienne. C’est le moment de choisir un village et de partir à la rencontre des vignerons des Terrasses du Larzac et de ce passé de plus d’un siècle où les familles adhéraient à la cave. Ce pourrait être Saint Saturnin de Lucian ou encore Pégairolles de l’Escalette, qu’importe. Dans chaque village, la coopérative était une seconde église. On y rassemblait les familles vigneronnes dans m’idée du partage des tâches et des outils, avec pour sel mot d’ordre : l’entraide.

Situé au nord-ouest de Montpellier, le vignoble des Terrasses du Larzac est marqué par la fraîcheur qui descend du plateau montagneux du Larzac, avec pour repère symbolique le Mont Baudile culminant à 848 mètres. 
Cette situation géographique particulière, avec des amplitudes thermiques jour et nuit pouvant atteindre plus de 20 degrés en été, favorise une maturation lente et progressive des raisins bénéfique pour la complexité aromatique et la fraîcheur des vins. 

Pour révéler toute la grandeur de ce terroir, les vignerons des Terrasses du Larzac jouent sur la gamme des 5 cépages languedociens (grenache, syrah, mourvèdre, cinsault, carignan) afin d'exprimer au mieux la personnalité de chaque type de sol (argilo-calcaire, ruffes(4), galets, etc.), sachant qu'ici le terroir prime le cépage. Enfin, par un minutieux travail d'assemblage (3 cépages au minimum) et un élevage d'au moins 12 mois, une signature unique est donnée à ces vins d'appellation.

Depuis 2014 les Terrasses du Larzac sont une AOC à part entière.





L’histoire :

Les premières vignes :

La présence de la vigne dans les Terrasses du Larzac remonte à l’époque romaine, où le pays du lodévois avait une situation privilégiée : il s’étendait le long de la voie gallo-romaine, artère de circulation particulièrement empruntée, qui joignait Cessero (St Thibéry) à Segodunum (Rodez).

L'influence Bénédictine :
En 782, Witizia, (fils du Comte de Maguelonne et grand échanson de Louis le Pieux) sous le nom de Benoît, crée le Monastère d’Aniane. L’Abbaye d’Aniane, « mère » des abbayes bénédictines européennes, donna alors naissance à près de 50 abbayes des Pyrénées au Rhône. Les bénédictins attachaient une grande importance à, la possibilité de planter de la vigne là où ils s’établissaient. La décision définitive de construction d’une abbaye n’était prise que lorsqu’on avait la certitude que la vigne pouvait prospérer sur le site. Aussi, le développement des abbayes a permis la mise en valeur de vastes espaces inoccupés dans la région de Clermont-l’Hérault et de Lodève, notamment grâce à la culture de la vigne.
L’influence des moines bénédictins d’Aniane et St-Guilhem le désert s’est étendue vers la vallée de la Buèges, comme en témoignent les églises romanes et prieurés qu’on y trouve. Les premiers vins de Buèges, issus de vignobles en terrasses surplombant la vallée, étaient élevés dans les caves des prieurés bénédictins fondés dans la vallée par l’abbaye de St-Guilhem-le-Désert, au Xème ou XIème siècle. Par la suite, les vignerons travaillaient eux-mêmes leurs raisins, dans des cuves tapissées de pavés de terre vernissés, situées dans les caves voûtées de nombreuses maisons de village.
 
Le XVIe siècle :
A partir du XVIème siècle, les seigneurs ont autorisé l’essartage des piémonts. Les terres ainsi défrichées accueillirent des plantations de vignes, d’oliviers et d’amandiers. Souvent organisées en terrasses (les faysses), les parcelles exigeaient un épierrement régulier. Les compoix(1) de l’époque montrent que tous les habitants possédaient au moins une pièce de vigne qui était associée à la culture d’arbres fruitiers. Les fruits étaient destinés à l’autoconsommation, le vin apportait quant à lui la monnaie.

Eaux de vie, commerce local :
Le XVIIème et le XVIIIème siècles ont été marqués par deux grands événements viti-vinicoles dans la région des Terrasses du Larzac :
- l’essor de la production des eaux-de-vie, avec la création d’une distillerie dans presque chaque village viticole, qui a été source de grande richesse pour les vignerons.
- le développement et le succès du commerce local : avant que le Pas de l’Escalette ne facilite l’accès au Massif Central (XVIIIème siècle), seuls les sentiers muletiers passant par Arboras permettaient d’y arriver. Montpeyroux était un important centre de transport muletier largement ouvert sur le monde du commerce.

Echanges commerciaux :
Les échanges avec les populations du Massif central étaient nombreux : celles-ci envoyaient des métaux extraits de leurs mines, de la viande, du lait et des céréales ; en retour les vignerons leur faisaient parvenir du vin.

A Pégairolles de l’Escalette, l’ensemble du paysage est marqué par les murets horizontaux qui tranchent avec les clapas verticaux, formant un maillage géométrique sur les pentes. On dénombre sur la commune plus d’une cinquantaine de capitelles(2) qui datent du XVIIIème. Elles servaient d’abris ou de remise aux bergers et aux vignerons sur les parcelles les plus éloignées. Toutes ces constructions de pierre ont été réalisées au cours d’un long travail d’épierrement, qui a permis de stabiliser les éboulis du Larzac, en créant un vignoble en terrasses, et de bonifier les sols.

Le Décret de Marly :
La parution du décret de Marly en 1770 a autorisé le défrichement à grande échelle, et le vignoble a connu une nouvelle extension. La viticulture s’est installée et s’est imposée dans les garrigues comme une activité intensive et de bon rapport.

XIXème et XXème siècles :
1850 , l’oïdium est apparu, puis le phylloxera : la culture de la vigne est anéantie en quasi-totalité. Le remède pour lutter contre cet insecte est trouvé à Montpellier, certains vignerons choisissent de relever le défi et à l’aide de greffe sur plant américain replantent.


L'appellation :

  Aire de production :

La récolte des raisins, la vinification, l’élaboration et l’élevage des vins sont assurées sur le territoire des 32 communes suivantes du département de l’Hérault : 
Aniane, Arboras, Argelliers, Le Bosc, Brissac, Causse-de-la-Selle, Ceyras, Gignac, Jonquières, Lagamas, Lauroux, Mérifons, Montoulieu, Montpeyroux, Moulès-et-Baucels, Murles, Octon, Pégairolles-de-Buègues, Pégairolles-de-l’Escalette, Poujols, Puéchabon, Saint-André-de-Buègues, Saint-André-de-Sangonis, Saint-Félix-de-Lodez, Saint-Guiraud, Saint-Jean-de-Buèges, Saint-Jean-de-Fos, Saint-Jean-de-la-Blaquière, Saint-Privat, Saint-Saturnin-de-Lucian, Soubès, Usclas-du-Bosc.

















 
Un terroir :
Type de sol :
Géologie très variée : 
- sol sablo- argileux chargé de cailloux, ruffes(4) rouges en couches horizontales - marno calcaires dominées par les hautes falaises de calcaire jurassique,
- vers l’Hérault : dépôts de pierrailles calcaires cryoclastiques(3) puis terrasses à galets successives de l’Hérault.

 

Parfois chaotique et aride quand il n’est pas pris par la main de l’homme pour la culture de la vigne et de l’olivier, le terrain apparaît comme déchiqueté par les bouleversements de la nature. Lorsque l’on touche  à la composition des sols et sous-sols, l’affaire est plus complexe. Un géologue confirmera que l’on domine bien d’ici les « hautes terrasses de l’Hérault », des zones de garrigues où les calcaires de différentes ères se chevauchent parfois et se mêlent aux argiles, aux sables, aux schistes, aux ruffes(4) et aux terres rouges. D’autres poches de terroirs où la roche affleure, d’autres constituées d’éboulis calcaires, de galets roulés, d’un amoncellement de grès sur des terres plus anciennes. Charles Walter Pacaud, vigneron confirme : « Dans mes parcelles, il m’arrive de trouver jusqu’à 10 types de roches différentes. » Jean-Philippe Granier, qui dirige l’appellation Languedoc, relève que ce qui apparaît comme une difficulté majeure à première vue se révèle être une force : «  Nous avons beaucoup de sols et de cépages à notre disposition et c(est ce qui fait notre richesse ».

Agrobiologie & Climat :
La progression de l’agrobiologie est telle dans les terrasses que l’on estime que plus de la moitié des vignerons est certifiée bio.
Dans une zone climatique qui connait de grandes amplitudes thermiques, l’éloignement de la mer conjugué à la proximité du Causse apportent une relative fraîcheur des nuits estivales. Sans nul doute cette fraîcheur est l’élément qui singularise le plus les vins, mais elle n’offre pas la même intensité ni la même qualité selon les terroirs.
Ce n’est pas tant cette fraîcheur qui compte, mais plutôt son rapport avec la matière, une mesure qui touche à l’équilibre. 
Avec une amplitude thermique pouvant atteindre 20°C en été et des altitudes variant de 80 à 400 mètres (commune de Saint-Privat) sur environ les 2000 ha de vignes , la maturation des raisins est lente permettant des sommets de complexité d’arômes dans les vinifications et un surcroit de finesse dans les vins.
 
Son parcours :
En 2004, l’idée d’une appellation Terrasses du Larzac naît avec l’autorisation d’utiliser ce nom sur les bouteilles de vins rouges après la mention obligatoire de l’époque : Coteaux du Languedoc, appellation née en 1985 et devenue en 2007 Languedoc tout court, appellation qui sert désormais de socle régional. Cette mise en avant a imposé une délimitation parcellaire et des conditions de production particulières garantes d’un haut niveau de qualité et de la typicité du terroir.
Déjà entre 1945 et 1960, des hommes avaient reconnu la valeur d’une douzaine de terroirs comme ces mêmes Coteaux du Languedoc, Pic Saint Loup, Saint Chinian et Faugères en leur octroyant le titre de vins délimités de qualité supérieure (VDQS).
La marche vers la reconnaissance qualitative intervient en 2014 pour Les Terrasses du Larzac. 
A partir du millésime 2014 les vignerons qui acceptent les nouvelles règles de production peuvent mettre en avant le nom de l’appellation.Aujourd’hui, près de 80 domaines sont dans l’aventure, certains déjà reconnus parmi les meilleurs de Languedoc. Le négoce local s’implique en investissant dans le vignoble en rachetant des propriétés phares. Quant aux coopératives elles sont cinq à adhérer.

Réglementation :

 

Condition de production :
L’appellation contrôlée Terrasses du Larzac a des conditions de productions strictes.
Les raisins sont issus de parcelles identifiées par les producteurs et approuvées par l’INAO.
La définition de cette AOC est décrite dans le décret du 17 Octobre 2014.

(Ci-après les liens d’accès aux cahier des charges INAO)
 
Aire géographique :
32 communes peuvent prétendre à élaborer des vins de l’appellation Terrasses du Larzac. (Se reporter à la liste ci-avant).

Encépagement :
Vins rouges exclusivement.
>>> Pour le blanc des débats entre vignerons sur l’encépagement sont en cours et il n’est pas interdit de penser qu’un comité se penchera bientôt sur le sujet. Le rosé, quant à lui, n’est pas à l’ordre du jour, les vignerons se contentant de le commercialiser sous l’appellation Languedoc.

Cépages :
    Les vins devront être issus d'un assemblage d'au moins trois cépages, que les vignerons auront à choisir parmi les quatre principaux (grenache, mourvèdre, syrah et carignan) et les cinq accessoires (cinsault, counoise, lledoner pelut, morrastel et terret noir).  
    Les cépages principaux devront représenter au moins 75 % de l'assemblage, le cinsault ne devant pas excéder 25 % et les autres cépages accessoires 10 %. Jusqu'à présent, l'assemblage, déjà obligatoire, était limité à deux cépages.
Le carignan est reconnu comme cépage central dans les vins. Ce cépage a longtemps été décrié dans le Languedoc, souvent à raison (mal maîtrisé, il donne au vin des caractères grossiers et acides), ce qui a poussé les viticulteurs à l'arracher massivement. " Nous avons toutefois réussi à faire changer d'avis les consommateurs et l'INAO grâce à un travail important et précis dans les vignes et à une baisse drastique des rendements’’ évoque Vincent Goumard (du Mas Cal Delmoura et Ancien Président des Terrasses). Dès lors, le carignan a retrouvé son identité languedocienne et apporte aux vins un supplément d'énergie et de fraîcheur.

Titre alcoométrique :
    Les vins doivent provenir de raisins récoltés à bonne maturité.
Le taux d’alcool doit être supérieur à 12%.

Rendement :
    Le rendement de base de l'AOC ne doit pas dépasser 45 hectolitres à l’hectare.

Entrée en production des jeunes vignes :
    L’appellation ne peut être accordé aux jeunes vignes qu’à partir de la 5ème feuille.

Distance de plantation à l’hectare :
    La densité de plantation est depuis 1990 de 4000 pieds à l’hectare.
    La distance maximale entre les rangs de 2.25 m.

Conduite du vignoble :
    Taille courte qui ne peut présenter plus de dix yeux francs par pied.



(1) Document emblématique du Sud de la France, pays de « taille réelle » (où l’imposition portait sur les  biens), le compoix d’une communauté contient, sous le nom de chaque propriétaire et par articles séparés, la description de toutes les possessions, leur contenance, leurs confronts, leur nature, leur qualité et leur estimation. Certains compoix, dit cabalistes, énumèrent également les biens mobiliers : cheptel, meubles, industries etc. Le compoix permettait de répartir sur la communauté la part qu’elle devait supporter dans la taille royale du diocèse, additionnée du montant de ses propres dépenses.
(2) Une capitelle est une cabane construite en pierre sèche, c’est-à-dire sans mortier, dans les anciennes garrigues des villes du département du Gard.
(3) a gélifraction ou cryoclastie  représente la destruction des matériaux rocheux sous l'effet des alternances de gel-dégel, en raison des contraintes exercées par les changements d'état de l'eau dans les vides (pores, fissures) de la roche.
(4) La ruffe est le nom local employé dans l’Hérault pour désigner les terres rouges formées de pélites, une classe de roches sédimentaires détritiques dont les éléments ont un diamètre inférieur à 1/16 mm.



>>> Sources : Revue : 12°5 (N° 1)
                        Sites :   www.terrasses-du-larzac.com
                              https://fr.wikipedia.org/wiki/Terrasses-du-larzac


Claude F. le 27.02.2018

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