Chambolle-Musigny 1er cru ‘’les
Amoureuses’’, apologie de la délicatesse.
Aérien, parfumé, délicat, charmeur, subtil, suave, soyeux,
floral. Il existe à n’en pas douter une bien longue liste de qualificatifs
régulièrement usités pour décrire le caractère distinctif du Chambolle-Musigny
1er cru les Amoureuses.
Un peu plus de 5 hectares et quelques 13 propriétaires pour entretenir la
flamme de ces vins qui à l’aromatique enivrante. C’est à 270 mètres d’altitude
en moyenne, en dessous du Musigny Grand cru, sur cette pente douce, niché entre
le Chambolle-Musigny 1er cru les Hauts Doix et les 1ers
crus de Vougeot que ces quelques hectares donnent naissance à un des vins les
plus emblématiques de Bourgogne et au plus réputé des 24 premiers crus de la
commune.
Amoureuses, il faut reconnaître que le nom est évocateur. Pour Camille
Rodier (Le Vin de Bourgogne, la Côte d’Or, 1920) c’est « le vin qui
donne de l’amour » tandis que Jasper Morris évoque dans son livre Inside
Burgundy le sol du climat qui durci avec la pluie et s’accroche à vos
chaussures, comme le feraient des amants enlacés. Peu importe l’étymologie, il
y a certainement un lien avec cette émotion et cette passion, que peut
provoquer ce vin qui ne laisse pas indifférent. Cela pourrait être le plus
Bourguignon des Bourguignons, le climat qui exprime avec le plus de justesse la
complexité aromatique et la délicatesse du Pinot Noir.
Le charme du finage de Chambolle-Musigny et sa capacité à produire grand
est tout sauf une nouveauté puisque Eumène vantait déjà les mérites de ce
terroir en 311 avant J.C. dans son Discours à Constantin, dans lequel il
décrivait les vignobles les plus réputés de la Côte d’Or. Cette petite
appellation de Bourgogne (seulement 155 hectares comparés par exemple aux 403
hectares de Gevrey-Chambertin) va bien vite se faire une jolie place au soleil,
de par la finesse d’expression de ses vins. André Jullien dans sa Topographie
de tous les vignobles connus (1815), surnomme Chambolle-Musigny le Volnay
de la Côte de Nuits.
Une définition qui fait encore sens aujourd’hui, bien que
l’appellation n’ait besoin d’aucune comparaison pour briller de mille feux. Le
Dr Jules Lavalle dans Histoire et statistique des grands vins de la Côte
d’Or (1855), rappellera quant à lui que : « De l’avis de beaucoup
de personnes, cette commune produit les vins les plus délicats de la Côte de
Nuits ».
S’il est un climat qui semble en effet incarner ces définitions, plus que
tout autre dans la commune c’est assurément les Amoureuses. Le Musigny Grand
Cru domine les débats par sa plénitude, sa profondeur et son éclat. Pourtant ce
roi Nuiton a sûrement besoin d’une muse, rôle parfaitement interprété par nos
Amoureuses, qui se distinguent non pas par leur puissance mais bien par un
charme floral et un toucher de bouche d’une grande subtilité.
Une nouvelle fois, il est légitime de se poser la question, pourquoi nos
charmantes Amoureuses ont-elle été oubliées dans ce classement Bourguignon qui
a sacralisé quelques 33 grands crus ? A l’instar du Gevrey-Chambertin 1er
cru Clos Saint Jacques, du Chassagne-Montrachet 1er cru Blanchots
Dessus et du Nuits-Saint-Georges 1er cru les Saint Georges entres
autres, les Amoureuses font partie de ces très grands terroirs, historiquement
reconnus, qui n’ont eu accès qu’au deuxième rang dans cette classification
actuellement en vigueur.
Si André Jullien ne citait en haut de sa hiérarchie pour la commune de
Chambolle que les grands crus actuels, Musigny et Bonnes Mares, le débat
s’ouvrira ensuite lorsque l’on parcourt les classements qui vont suivre. Le Dr
Denis Morelot établit quant à lui dans La Vigne et le Vin en Côte d’Or
(1831) une classification des climats basé sur nombre de critères,
topographiques, microclimatiques, géologiques, humains, etc. Classification
dans laquelle il distinguera deux têtes de cuvées, le Musigny et les Amoureuses.
Pour le Dr Jules Lavalle, seul le Musigny aura le droit au rang de tête de
cuvée tandis que les Amoureuses apparaissent dans la courte liste des premières
cuvées avec les Bonnes Mares et les 1ers cru les Cras et les Fuées
notamment.
La surface mentionnée par Jules Lavalle est à l’époque quasi équivalente à
celle actuellement plantée (5,25 hectares) et le Dr Lavalle compare déjà la
géologie des Amoureuses à celle du Musigny Grand cru : « La terre y
est légère (…). Le sous-sol d’argile y est plus rare (…) une roche présentant
un grand nombre de crevasses verticales dans lesquelles les racines de la vigne
descendent souvent à plus de dix mètres ». Une description fort précise de
ce sol que les Amoureuses partagent avec son voisin immédiat et qui comprend
une fine couche d’argile rouge sur un dalle de calcaire de Comblanchien très
compacte, avec des fissures qui permettent une parfaite implantation racinaire
et un excellent drainage.
Une très faible proportion d’argile, des conditions hydriques et un développement
racinaire favorisés, une exposition idéale à mi coteau, expliqueraient pour
partie la nature des vins, plus fins, plus aériens, qui développent ces arômes
de lilas et de violette. Le caractère des climats Bourguignons est quoi qu’il
en soit toujours entouré d’une part de mystère. Le verre finit par parler, sans
que tout puisse s’expliquer. Une expression du Pinot Noir, portée également par
la main humaine, puisque le climat bénéficie à n’en pas douter de quelques
brillants interprètes, les Domaine Robert Groffier & Fils, Jacques-Frédéric
Mugnier et Georges Roumier en tête.
Le Chambolle-Musigny les Amoureuses n’est pas un mythe usurpé, c’est une
promesse tenue. Celle d’un parfum de fleur, d’un palais fin et long, d’une
suprême délicatesse Bourguignonne. Il a oublié son rang, qui finalement importe
peu, donne de l’émotion et fait honneur à son nom si évocateur. Si de plus,
quelques brillants vignerons apportent un éclat supplémentaire au terroir,
respectent cette finesse et ce soyeux, cette matière délicate et suave, alors
ne boudons pas notre plaisir. Quand le velours a rendez-vous avec la violette
et la framboise, quand le Musigny regarde en contrebas pour retrouver sa muse,
la Bourgogne nous raconte une bien belle histoire.
Origine : Jeremy Cukierman (Site : www.intothewinewithjeremy.com)
texte du 27.10.2017
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