mercredi 16 janvier 2019

Appellation Chambolle-Musigny : 1er Cru Les Amoureuses


Chambolle-Musigny 1er cru ‘’les Amoureuses’’, apologie de la délicatesse.



Aérien, parfumé, délicat, charmeur, subtil, suave, soyeux, floral. Il existe à n’en pas douter une bien longue liste de qualificatifs régulièrement usités pour décrire le caractère distinctif du Chambolle-Musigny 1er cru les Amoureuses.

Un peu plus de 5 hectares et quelques 13 propriétaires pour entretenir la flamme de ces vins qui à l’aromatique enivrante. C’est à 270 mètres d’altitude en moyenne, en dessous du Musigny Grand cru, sur cette pente douce, niché entre le Chambolle-Musigny 1er cru les Hauts Doix et les 1ers crus de Vougeot que ces quelques hectares donnent naissance à un des vins les plus emblématiques de Bourgogne et au plus réputé des 24 premiers crus de la commune.

Amoureuses, il faut reconnaître que le nom est évocateur. Pour Camille Rodier (Le Vin de Bourgogne, la Côte d’Or, 1920) c’est « le vin qui donne de l’amour » tandis que Jasper Morris évoque dans son livre Inside Burgundy le sol du climat qui durci avec la pluie et s’accroche à vos chaussures, comme le feraient des amants enlacés. Peu importe l’étymologie, il y a certainement un lien avec cette émotion et cette passion, que peut provoquer ce vin qui ne laisse pas indifférent. Cela pourrait être le plus Bourguignon des Bourguignons, le climat qui exprime avec le plus de justesse la complexité aromatique et la délicatesse du Pinot Noir.

Le charme du finage de Chambolle-Musigny et sa capacité à produire grand est tout sauf une nouveauté puisque Eumène vantait déjà les mérites de ce terroir en 311 avant J.C. dans son Discours à Constantin, dans lequel il décrivait les vignobles les plus réputés de la Côte d’Or. Cette petite appellation de Bourgogne (seulement 155 hectares comparés par exemple aux 403 hectares de Gevrey-Chambertin) va bien vite se faire une jolie place au soleil, de par la finesse d’expression de ses vins. André Jullien dans sa Topographie de tous les vignobles connus (1815), surnomme Chambolle-Musigny le Volnay de la Côte de Nuits. 
Une définition qui fait encore sens aujourd’hui, bien que l’appellation n’ait besoin d’aucune comparaison pour briller de mille feux. Le Dr Jules Lavalle dans Histoire et statistique des grands vins de la Côte d’Or (1855), rappellera quant à lui que : « De l’avis de beaucoup de personnes, cette commune produit les vins les plus délicats de la Côte de Nuits ».

S’il est un climat qui semble en effet incarner ces définitions, plus que tout autre dans la commune c’est assurément les Amoureuses. Le Musigny Grand Cru domine les débats par sa plénitude, sa profondeur et son éclat. Pourtant ce roi Nuiton a sûrement besoin d’une muse, rôle parfaitement interprété par nos Amoureuses, qui se distinguent non pas par leur puissance mais bien par un charme floral et un toucher de bouche d’une grande subtilité.

Une nouvelle fois, il est légitime de se poser la question, pourquoi nos charmantes Amoureuses ont-elle été oubliées dans ce classement Bourguignon qui a sacralisé quelques 33 grands crus ? A l’instar du Gevrey-Chambertin 1er cru Clos Saint Jacques, du Chassagne-Montrachet 1er cru Blanchots Dessus et du Nuits-Saint-Georges 1er cru les Saint Georges entres autres, les Amoureuses font partie de ces très grands terroirs, historiquement reconnus, qui n’ont eu accès qu’au deuxième rang dans cette classification actuellement en vigueur.

Si André Jullien ne citait en haut de sa hiérarchie pour la commune de Chambolle que les grands crus actuels, Musigny et Bonnes Mares, le débat s’ouvrira ensuite lorsque l’on parcourt les classements qui vont suivre. Le Dr Denis Morelot établit quant à lui dans La Vigne et le Vin en Côte d’Or (1831) une classification des climats basé sur nombre de critères, topographiques, microclimatiques, géologiques, humains, etc. Classification dans laquelle il distinguera deux têtes de cuvées, le Musigny et les Amoureuses. Pour le Dr Jules Lavalle, seul le Musigny aura le droit au rang de tête de cuvée tandis que les Amoureuses apparaissent dans la courte liste des premières cuvées avec les Bonnes Mares et les 1ers cru les Cras et les Fuées notamment.

La surface mentionnée par Jules Lavalle est à l’époque quasi équivalente à celle actuellement plantée (5,25 hectares) et le Dr Lavalle compare déjà la géologie des Amoureuses à celle du Musigny Grand cru : « La terre y est légère (…). Le sous-sol d’argile y est plus rare (…) une roche présentant un grand nombre de crevasses verticales dans lesquelles les racines de la vigne descendent souvent à plus de dix mètres ». Une description fort précise de ce sol que les Amoureuses partagent avec son voisin immédiat et qui comprend une fine couche d’argile rouge sur un dalle de calcaire de Comblanchien très compacte, avec des fissures qui permettent une parfaite implantation racinaire et un excellent drainage.
Une très faible proportion d’argile, des conditions hydriques et un développement racinaire favorisés, une exposition idéale à mi coteau, expliqueraient pour partie la nature des vins, plus fins, plus aériens, qui développent ces arômes de lilas et de violette. Le caractère des climats Bourguignons est quoi qu’il en soit toujours entouré d’une part de mystère. Le verre finit par parler, sans que tout puisse s’expliquer. Une expression du Pinot Noir, portée également par la main humaine, puisque le climat bénéficie à n’en pas douter de quelques brillants interprètes, les Domaine Robert Groffier & Fils, Jacques-Frédéric Mugnier et Georges Roumier en tête.

Le Chambolle-Musigny les Amoureuses n’est pas un mythe usurpé, c’est une promesse tenue. Celle d’un parfum de fleur, d’un palais fin et long, d’une suprême délicatesse Bourguignonne. Il a oublié son rang, qui finalement importe peu, donne de l’émotion et fait honneur à son nom si évocateur. Si de plus, quelques brillants vignerons apportent un éclat supplémentaire au terroir, respectent cette finesse et ce soyeux, cette matière délicate et suave, alors ne boudons pas notre plaisir. Quand le velours a rendez-vous avec la violette et la framboise, quand le Musigny regarde en contrebas pour retrouver sa muse, la Bourgogne nous raconte une bien belle histoire.

Origine : Jeremy Cukierman (Site : www.intothewinewithjeremy.com) texte du 27.10.2017

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