Le 30.09.2018
Comprendre le vin nature (ou
naturel) :
- simple mode ou phénomène durable ?
Article « iDealwine » du 24 septembre 2018
L’amateur de vin a d’abord entendu parler de vins
“bio”. Puis il a constaté qu’on parlait également de plus en plus de vin “en
biodynamie”. Enfin, depuis une dizaine d’années, un nouveau concept est apparu,
celui de “vin nature”. S’il est aujourd’hui assez simple de comprendre ce qu’il
y a derrière les qualificatifs de “bio” ou de “biodynamie”, celui de “nature”
est plus difficile à cerner. iDealwine va tenter de vous aider à y voir plus
clair.
Si cette notion de vin naturel est plus difficile à
saisir pour l’amateur que celle de vin bio ou biodynamique, c’est avant tout
pour une raison purement technique ou administrative : les premiers sont
labellisés par des organismes indépendants (Demeter, Ecococert, Biodyvin, etc.)
alors que le vin “nature” ne bénéficie d’aucun label officiel, même s’il existe
l’AVN (Association des Vins Naturels) qui a défini un cahier des charges mais
qui n’a pas de moyens de contrôle aussi poussés que les organismes
certificateurs en bio ou biodynamie.
Il faut reconnaître que depuis l’apparition des divers
courants écologistes, le mot “nature” est devenu un peu magique, paré de toutes
les vertus. Sur leur site ou dans leur communication, de nombreux vignerons pas
du tout en bio aiment clamer que leur travail « se fait dans le respect le
plus total de la nature ». Ce qui ne veut évidemment rien dire… Mais
depuis près d’un demi-siècle, le consommateur en général et l’amateur de vin en
particulier a l’impression que ce qu’il mange ou ce qu’il boit est meilleur, au
goût ou au moins pour sa santé, quand ces produits sont le plus naturels
possible. Les mentions “sans conservateurs” ou “sans colorants” sont censées
flatter les envies de naturel des consommateurs. Cette tendance, en se
renforçant, a conduit les producteurs à aller encore plus loin en élaborant des
produits répondant à des critères bien précis permettant de les qualifier de
“bio”. Pour le vin, très schématiquement, cela signifie que les vignes ont été
cultivées sans herbicides de synthèse et sans insecticide. Mais sur
l’élaboration même du vin, la vinification, les labels bio sont par contre
longtemps restés totalement silencieux…
Petite parenthèse au passage : par rapport aux
autres produits alimentaires préemballés où tout ce qui entre dans leur
élaboration est détaillé au millimètre près sur leur emballage, l’étiquette
d’une bouteille de vin (ou de bière, de cidre, etc.) est bien muette. On sait
qu’il y a tant d’alcool et que le vin contient des sulfites (sans chiffrage…).
Pour le reste, silence radio total. Le producteur a-t-il acidifié son vin,
a-t-il ajouté des tannins, des copeaux de bois, des enzymes, de la bentonite,
du charbon (il y a près de 50 produits potentiellement autorisés dans les vins
“conventionnels”), l’a-t-il chaptalisé ? On ne saura rien…
C’est donc cette double préoccupation, envie globale
d’un retour au naturel et opacité sur ce qui se trouve réellement dans une
bouteille de vin, qui a conduit à cette nouvelle tendance du vin “nature”. Car
ce dernier s’auto définit essentiellement comme “sans aucun intrant ajouté”.
L’étiquette peut alors rester muette, puisqu’elle n’a plus rien à cacher !
L’AVN a donc défini un cahier des charges du vin
naturel, cahier des charges qu’on peut résumer en quelques lignes :
– le but des vignerons de l’AVN est d’élaborer des
vins « issus de la vinification naturelle », à savoir sans aucun intrant.
– la pratique culturale respecte obligatoirement la
démarche de l’agriculture biologique ou biodynamique, labellisée ou certifiée.
– les vendanges sont manuelles.
– seules les levures indigènes dirigent la
vinification.
– il n’y a pas de modification volontaire de la
constitution originelle du raisin, et donc pas de recours à des techniques
physiques brutales et traumatisantes (osmose inverse, filtration tangentielle,
flash pasteurisation, thermovinification, etc…).
– il n’y a pas d’ajout de sulfites, ni de quelque
autre intrant (pour le soufre il est précisé un seuil maximum de 10 mg/l à l’analyse, ce
qui correspond au maximum que la fermentation alcoolique peut générer
naturellement).
Aux yeux des amateurs, c’est souvent cette dernière
ligne qui est la plus importante, en particulier le refus du soufre, car, pour
le reste, de nombreux domaines qualitatifs ont les mêmes pratiques dans le
travail à la vigne, les vendanges, les levures ou l’absence de manipulation
brutale du vin au cours de son élaboration.
C’est donc la présence du soufre qui est la question
centrale et discriminante du vin nature. Et d’ailleurs les amateurs parlent
souvent de “vin sans soufre” pour caractériser un vin “nature”. Si cela ne vous
est pas encore arrivé, cela se produira probablement bientôt : assister à
une discussion passionnée entre partisans du vin “zéro soufre” et ceux qui
acceptent les vins “conventionnels”. Les premiers clameront qu’ils ne peuvent
pas boire des vins qui leur donnent mal à la tête, bourrés de produits
chimiques et dont les arômes sont cadenassés par le soufre. Les seconds se
demanderont comment peut-on boire des vins blancs qui ressemblent à du cidre et
des rouges qui ont l’air madérisés alors qu’ils n’ont que deux ans de
bouteille. Comme dans toute discussion passionnée, tous les excès sont
permis !
La réalité de la question du soufre, question
centrale, répétons-le des vins “nature”, est plus complexe qu’il ne paraît. Le
soufre étant avant tout un conservateur et un bactéricide, dans un monde
parfait on peut assez facilement s’en passer. Une vendange mûre et parfaitement
saine, sans la moindre trace de pourriture, un chai d’une propreté clinique,
peu de manipulations des moûts (qui risquent de les oxyder) et le sans soufre
est jouable. On bien parle ici de “soufre ajouté” car la fermentation du vin
produit un peu de soufre naturel (on peut donc trouver un peu de soufre dans un
vin… sans soufre).
Mais ces conditions optimales ne se rencontrent pas
toujours et de nombreux vignerons, pourtant très proches de l’esprit des vins
naturels, n’hésitent pas à ajouter des doses quasi homéopathiques de soufre
pour que leurs vins aient plus de chances de rester stables dans leur vie en
bouteille.
Faut-il pour autant les bannir de la famille des vins
nature ?
Sans doute pas, car ce serait très sectaire, mais
malheureusement le milieu du vin naturel a engendré quelques ayatollahs du sans
soufre qui n’ont pas peur de parler de grand terroir quand un vin est tout
simplement complètement “surnaturel”, bourré de défauts rédhibitoires, même
pour un dégustateur tolérant !
Au-delà des excès liés à tous les phénomènes de mode,
il n’en reste pas moins que cette voie défrichée à ses origines par quelques
“doux rêveurs”, est extrêmement profitable à l’évolution du travail de nombreux
vignerons. Face à deux vins de bon niveau, qui ne préfèrerait pas celui qui
contient le moins d’additifs possible, dont les raisins ont été cultivés sans
pesticides ou autres produits de synthèse, et dont les doses de soufre sont
minimalistes (ou absentes si c’est possible) pour pouvoir garder le maximum de
“buvabilité” ?
Aujourd’hui, sous l’influence des pratiques parfois
trop dogmatiques des vignerons “nature”, il est clair que les bons vignerons
mettent des doses beaucoup plus réduites de soufre dans leur production et
personne ne peut s’en plaindre, que ce soit pour sa santé ou pour pouvoir
déguster des vins plus libres dans leur expression aromatique.
Article intéressant
qui nous permet d’avoir une approche sur le vin nature (ou naturel).
Bonne lecture.
Claude F.
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